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faisait quelques petites concessions, ils en feraient de plus grandes. Que ne sont-ils les collègues de M. de Bismark dans le ministère prussien ! Malheureusement le roi a, sur le choix de ses ministres, des idées très arrêtées ; il ne les cherche pas où on les trouve, il se plaît à les trouver où il les cherche. De son côté, M. de Bismarck prend un malin plaisir à se servir des nationaux sans les employer. Ils ont une qualité précieuse, une étonnante facilité à se consoler de tout ; optimistes jusque dans la moelle des os, ils voient le bon côté des choses, même de leurs déconvenues. Un des hommes de grand mérite que compte le parti disait récemment : « Tout pesé, la constitution fédérale a du bon. Les préventions du roi nous mettent dans l’impossibilité de faire arriver quelques-uns de nos chefs dans le ministère ; mais on nous fait la gracieuseté de placer dans le Bundesrath quelques commissaires qui nous sont presque agréables- et presque à moitié libéraux. C’est toujours cela de gagné. » Ce qui leur sourit plus encore, c’est que la confédération du nord leur sert à introduire en Prusse, par voie fédérale, des réformes économiques et civiles, que la chambre des seigneurs n’eût jamais acceptées. Ils font d’une pierre deux coups : chacune de ces réformes établit une conformité de plus entre les petits états et la Prusse. Aussi ont-ils adopté cette devise, ce programme, qu’on peut lire aujourd’hui sur leur drapeau : extension indéfinie de la compétence fédérale. Ils s’en étaient cachés tant qu’ils avaient pu croire que l’Allemagne du midi viendrait à eux ; mais ils ne se flattent plus qu’un coup de sympathie, un miracle de la grâce ou je ne sais quels soudains repentirs amèneront prochainement dans leurs filets ces âmes indociles et réfractaires. Un jour que la France et l’Autriche seront occupées chez elles, on menacera, on ordonnera, et la force dira son dernier mot. En attendant, on peut se dispenser désormais de ménager les petits états du nord. Que la Saxe s’inquiète, que Mecklembourg murmure, les nationaux en seront fort aises. Il est doux à ce parti, composé pourtant d’honnêtes gens, de se revancher sur autrui des mortifications qu’il essuie.

La chambre des députés prussiens vient d’exprimer par deux fois le vœu que la compétence fédérale soit étendue au droit civil. On verra la question se poser dans la prochaine session du Reichstag. Ce point gagné, il ne restera plus qu’à transformer en cour civile ce haut tribunal de commerce qu’on a récemment institué, et qui n’était point prévu par la constitution. S’il en faut juger par le langage qu’a tenu dans le parlement prussien le ministre de la justice, les nationaux peuvent compter sur la complicité du gouvernement, Ils espèrent mener lestement cette partie, et, si la victoire couronne leur entreprise, bien habile qui pourra dire dans quelques