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définitive. En même temps, témoin des progrès que faisait parmi les siens la doctrine calviniste de la prédestination, il insista de plus en plus sur le côté arminien de sa croyance, c’est-à-dire qu’il soutint l’obligation de la volonté et la puissance de l’effort pour atteindre ou du moins répondre à la grâce de l’élection. C’était attaquer les effets, c’était vouloir effacer les traces de l’enseignement de Whitefield, alors retourné en Amérique, où il propageait les principes d’un calvinisme strict qui est loin d’avoir disparu. Un sermon célèbre de Wesley sur la libre grâce résuma ses objections, et ses censeurs ont eux-mêmes admiré cette composition pour le talent et la force du raisonnement. Whitefield averti écrivit en hâte une réponse pleine de vivacité et d’amertume qui fut envoyée et imprimée en Angleterre. On dit que ce fut à son insu. Wesley déchira en chaire ce malheureux écrit devant la congrégation assemblée. Whitefield rappelé par ses amis revint bientôt. Il était ardent, irritable, et après quelques tentatives de rapprochement, la séparation des deux amis amena la division du méthodisme en deux branches qui subsistent encore (1741).

Par ses idées sur la grâce et le libre arbitre, Wesley tenait encore à l’église établie, dont il aurait voulu respecter l’existence et ne jamais se détacher ; mais en même temps il bravait son autorité en insistant sur un dogme qu’elle laissait dans l’ombre, en formant des congrégations qu’elle ne reconnaissait pas, en pratiquant des formes de prédication et des observances régulières qu’elle réprouvait. Aussi dut-il encourir les remontrances, les interdictions, la polémique des évêques et de leur clergé. Plus d’une fois la multitude se souleva contre lui, le poursuivit de ses malédictions et de ses menaces et tenta d’interrompre ses prédications par des émeutes qui rappellent l’accueil que Paul et Silas recevaient à Icône, à Philippes, à Antioche de Pisidie ; mais ces résistances, comme toutes celles qu’on oppose à une idée qui répond à un besoin du temps, ne faisaient que manifester la puissance d’expansion, de la nouvelle foi. Elle était telle que bientôt ce furent les prédicateurs qui manquèrent au peuple et non le peuple aux prédicateurs. Ceux que Wesley avait préposés aux associations locales étaient chargés de maintenir la règle de leur institution et non de les instruire. Un d’eux cependant, Thomas Maxfield, voyant le dénûment spirituel de sa communauté et pressé par un zèle qui lui semblait inspiré, se mit à prêcher à Londres dans les réunions de la société, et il eut un grand succès. Wesley, l’apprenant à Bristol, accourut, inquiet et mécontent. Il craignait cette nouveauté comme un désordre et il tenait, à l’obéissance ; mais sa mère, qui, après quelque anxiété et quelque hésitation, s’était réunie a son œuvre, lui dit de ne rien décider