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L’établissement de forges et l’exploitation de mines dans plusieurs de ces districts de montagnes, en amenant le déboisement des hauteurs, ont causé un grand détriment à ces forêts primitives. Faute de houille, on s’est uniquement servi, pour toutes les opérations industrielles, de combustible végétal ; celui-ci est bientôt devenu aussi cher que rare : en peu d’années, de 30 francs la tonne, il s’est élevé à 50 francs et plus. L’organisation en vigueur pour le travail du charbon rappelle le métayage. Le produit est divisé par parties égales entre le propriétaire du bois et les ouvriers qui l’ont abattu et taillé, qui ont monté la meule et cuit le charbon. L’on compte ainsi des milliers de bûcherons qui passent toute l’année dans les forêts, occupés l’hiver à couper et à tailler les bois, et le printemps à préparer les meules et à cuire le charbon. Pour ce rude travail, ils gagnent environ de 1 fr. 50 cent, à 2 francs par jour. On a bien essayé, depuis trente ans, de reboiser les versans qu’une exploitation imprudente avait dévastés ; on a fait dans certains districts, comme dans le Casentino, près des sources de l’Arno et du Tibre, de nombreuses plantations ; mais le prix de plus en plus élevé du combustible végétal est la meilleure preuve de l’insuffisance de ces efforts.

En descendant le long de ces pentes, on rencontre, à mesure qu’on s’approche du fond des vallées, des districts plus cultivés, où l’œuvre de la nature frappe moins les yeux que le travail de l’homme. L’aspect des Apennins toscans a quelque chose de moins sauvage et de plus humain que le versant opposé qui s’étend dans les duchés de Parme et de Modène : la nature est plus florentine et plus riante, les cimes ont moins d’élévation, les pentes sont moins abruptes, les pâturages ont plus de fraîcheur, les plateaux et les vallons plus d’habitans ; il y a plus de richesse agricole, plus d’industrie et partant plus de bien-être. A chaque saillie, l’on rencontre des hameaux et des cultures variées ; l’on voit les différens climats et les diverses productions se succéder par échelons. C’est la petite culture qui domine dans ces parties mitoyennes des montagnes, et aussi, ce qui vaut mieux encore, la petite propriété. Le sol est divisé à l’infini ; la plupart des habitans possèdent une maisonnette et une étendue de terrain qui n’est souvent pas supérieure à un demi-hectare, mais à laquelle ils consacrent tous leurs loisirs et toutes leurs épargnes. Rien n’est saisissant comme ces cultures modestes et réduites. Arthur Young lui-même, l’apologiste par excellence de la grande propriété, ne put toujours se défendre d’une admiration involontaire pour ces cultures parcellaires que l’on rencontre dans certains pays de montagnes. « J’ai été frappé, dit-il, en traversant les Cévennes, de voir un grand amas de rochers enclos et planté avec un soin industrieux ; chaque interstice porte un mûrier, un olivier, un amandier, un pêcher ou quelques pieds de vigne répandus ça