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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

coué la poussière de cette vie mortelle ; il avait été rejoindre ses pères. » Un sépulcre tout neuf se trouvait par hasard dans les dépendances de la chapelle ; on le transporta dans l’intérieur, et ce second martyr fut placé à côté du premier. Cela se passa le 18 des calendes d’octobre, sous le septième consulat d’Honorius et le deuxième du jeune Théodose, ce qui revient au 14 septembre de l’année 407 de notre ère. Jean Chrysostome avait vécu soixante ans, et il avait été évêque neuf ans et sept mois environ, dont trois ans et trois mois depuis son exil.

Cet événement, si considérable pour la chrétienté, ne causa point une révolution soudaine. Bien qu’il ne fût que trop prévu de tout le monde, les partis l’accueillirent avec une sorte d’étonnement ; persécuteurs et persécutés restèrent à s’observer dans l’attente. La persécution ne cessa pas ; les évêques déposés ou bannis ne furent point remis sur leurs siéges, et les joannites ne se rallièrent point. L’Occident aussi fut frappé de stupeur ; seule, l’église romaine fit entendre sa grande voix au milieu du silence général. Au nom de la justice et des lois canoniques, le pape Innocent déclara qu’il ne rendrait point sa communion aux évêques orientaux excommuniés par lui à cause de Jean Chrysostome, à moins que ceux-ci n’inscrivissent son nom sur les diptyques de leurs églises comme archevêque de Constantinople. C’était une reconnaissance de sa légitimité et une condamnation des actes qui l’avaient chassé de son siége. Il signifia cette déclaration aux trois patriarches Atticus, Porphyre et Théophile ; tous trois la repoussèrent.

Quant à l’empereur Arcadius, il dut éprouver une véritable épouvante à la nouvelle d’une mort que ses ordres avaient causée, et, suivant son habitude, il dut attendre dans une fiévreuse anxiété quelque manifestation du courroux céleste contre lui ou contre sa famille. Ne voyant aucun signe apparaître, il se rasséréna peu à peu, et ses directeurs spirituels, Atticus et Sévérien, firent le reste. Il arriva même qu’on put lui faire croire que non-seulement il n’était pas maudit de Dieu, mais qu’il avait reçu d’en haut le don le plus précieux des bienheureux, celui des miracles. Si bizarre et extravagante que soit cette aventure, l’histoire contemporaine l’a consignée dans ses pages, et nous la devons à nos lecteurs. Peu de temps après la mort de Chrysostome, l’empereur se rendit, poussé peut-être par le remords, dans une petite basilique située à Constantinople, et appelée vulgairement Karya, c’est-à-dire le Noyer, parce qu’un vieil arbre de cette espèce était planté dans l’atrium, et que le saint auquel la chapelle était dédiée avait été, disait-on, martyrisé aux branches de ce noyer. Arcadius, dans sa pieuse visite, s’était fait accompagner d’un riche et nombreux cortége, de façon que tout le