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nimaux éteints, comme l’hyène et l’ours des cavernes, ou émigrés, comme le renne ou le bœuf musqué. C’est précisément dans les grottes de cette région que M. Tournai le premier, en 1828, puis MM. de Christol, Teissier et Marcel de Serres, ont trouvé ces restes de l’industrie humaine auxquels les ossemens qui les accompagnaient assignent une date géologique certaine. Ces hommes antéhistoriques chassaient dans les forêts où croissaient des arbres actuellement inconnus en Provence. Ils correspondent donc parfaitement aux plantes dont nous retrouvons les restes fossiles dans le sein de la terre. Leurs descendans étaient contemporains d’une autre végétation analogue, mais non identique à la nôtre. Aux Phéniciens succédèrent ensuite des colons grecs de l’Ionie, les Phocéens. En introduisant l’olivier, actuellement naturalisé, ils modifièrent profondément l’agriculture du pays. Leur sang même a laissé des traces. Les femmes d’Arles et de Saint-Rémy nous offrent encore dans toute leur pureté les lignes sculpturales que la statuaire grecque a léguées à l’admiration des siècles. Après les Grecs vinrent les Romains : leurs routes, leurs ponts, leurs aqueducs, leurs amphithéâtres et leurs temples ont marqué le sol d’une empreinte indélébile ; les Romains achevèrent de le défricher, et les noms de leurs fermes sont encore ceux de beaucoup de villages dans la Gaule narbonnaise. Ne serait-il pas téméraire d’affirmer qu’il n’existe plus dans le midi de la France aucun descendant des Phéniciens, des Grecs et des Romains ? Sans doute le mélange avec d’autres races a effacé leurs traits, changé leur caractère, modifié leurs aptitudes, rendu leur origine méconnaissable ; mais ces colonies, venues de la Grèce ou de l’Italie, ont évidemment ajouté un élément nouveau à la population aborigène de la France méditerranéenne.

Au ve siècle, l’Europe méridionale est envahie par des hommes du nord, les Visigoths. — Avant eux, pendant l’époque glaciaire, nous le verrons plus loin, les plantes du nord avaient également envahi le midi. — Un grand nombre de ces barbares furent laissés en arrière par ce torrent dévastateur, qui inonda l’Espagne et le nord de l’Afrique ; ils se fixèrent dans la Gaule narbonnaise, où leurs traces n’ont point entièrement disparu. Des enfans aux cheveux blonds, des noms de famille avec la désinence en ic rappellent encore cette grande invasion. Ce fut la dernière ; depuis lors, nous ne constatons plus l’irruption de ces vastes marées humaines qui submergeaient les empires ; mais il s’opère un travail lent et continu, analogue à celui des actions géologiques et produisant comme elles, avec l’aide du temps, des effets de même ordre que ceux des catastrophas les plus subites et les plus violentes. Au commencement du xiiie siècle, l’extermination des albigeois décime les habitans du