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Sardaigne, des Baléares, de la Sicile et des îles de Malte et de la Pantelleria, restes du continent affaissé que la mer a envahi. L’uniformité de la flore justifie une pareille hypothèse, et la zoologie la confirme. Les cavernes de la Provence et du Languedoc contiennent des restes d’hyènes et de lions fort semblables aux deux espèces qui vivent en Afrique, et M. Gaudry, étudiant les nombreux mammifères fossiles de Pikermi, près d’Athènes, constate que l’ensemble de cette faune présente un caractère tellement africain, que la paléontologie comme la botanique proclame l’ancienne union de l’Europe et de l’Afrique.

Après l’époque glaciaire, la flore méditerranéenne, continuation de la flore miocène, a régné seule dans l’Europe méridionale sur une vaste surface dont nous ne voyons plus que les bords; mais comment s’est repeuplée l’Europe moyenne, assiégée pendant des siècles par d’immenses glaciers? Durant cette longue période, le tapis végétal devait être fort semblable à celui que nous retrouvons encore dans le voisinage des glaciers actuels. L’adoucissement du climat amena la retraite de ces plantes amies du froid vers le nord ou sur les montagnes. Quelques-unes ont persisté même dans le midi de la France, nous en avons donné la preuve; mais cette partie du continent européen que baignent les eaux de l’Océan-Atlantique n’est pas restée stérile et dénudée depuis l’époque glaciaire. De nombreuses espèces, n’appartenant ni au type boréal ni au type méditerranéen, s’y sont établies. Quelle est leur origine? D’où proviennent toutes ces plantes qui exigent un climat moyen, craignant également les chaleurs sèches de l’Europe australe et les froids humides des contrées septentrionales? Elles viennent de l’Asie; leur berceau est le nôtre, et la géographie botanique, en s’aidant des lumières de la philologie, retrouvera peu à peu la trace de cette grande migration, analogue à celle des peuples aryens. Il ne faut pas l’oublier, l’Europe n’est qu’un promontoire du continent asiatique; sa grandeur morale et intellectuelle lui a seule valu le titre de partie du monde, qu’elle ne mérite ni par ses dimensions, ni par son isolement des autres continens, ni par la spécialité de ses productions naturelles. L’Europe doit tout à l’Asie, même sa civilisation; mais celle-ci semble n’avoir trouvé qu’en Europe la réunion de toutes les conditions physiques favorables à son glorieux épanouissement.

Depuis ces deux grandes migrations des végétaux du nord vers le sud et de l’orient vers l’occident, la science ne constate plus en Europe de déplacement aussi considérable des populations végétales. Le climat s’étant adouci peu à peu après le retrait des glaciers pour arriver à cet état stationnaire qui semble établi depuis les temps historiques, il s’est fermé un remous du sud vers le nord. Les