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cise et satisfaisante. Il ne faut pas l’oublier, les flores actuelles sont le résultat définitif de transformations et de vicissitudes qui remontent à des millions d’années, et qui se sont succédé sans interruption jusqu’à nos jours, ne laissant derrière elles que des traces obscures et isolées. Rappelons-nous encore que ces problèmes, posés à peine depuis quelques années, sont les plus ardus que l’histoire naturelle ait à résoudre. Toutefois l’étude que nous venons de faire nous révèle une première vérité : c’est l’existence, sur le continent comme dans les îles, de plantes qui vivaient déjà aux époques tertiaires ou quaternaires, — dans le midi de la France le laurier, le grenadier, le figuier, etc., dans les Canaries le drarœna, les lauriers, les myrsine, etc. Toutes les espèces propres et limitées à une île en particulier rentrent dans cette catégorie. Ces espèces représentent la population aborigène ou primitive qui a survécu à toutes les révolutions, et n’a pas succombé dans une lutte inégale contre les grandes invasions végétales parties de continens voisins ou éloignés. Les naturels qui peuplaient, il y a un siècle, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et toutes les îles de l’Océan-Pacifique, n’ont-ils pas diminué de nombre ou même disparu complètement devant l’invasion de, races plus énergiques et plus civilisées ? Il en est de même des plantes. Les moins robustes, les moins nombreuses sont étouffées par des espèces plus vigoureuses ou plus fécondes. Celles de l’Europe semblent participer des qualités de l’homme européen ; elles dominent à Madère, aux Canaries, aux Açores. Sous nos yeux, elles envahissent les parties des deux. Amériques situées en dehors des tropiques ; elles jouent un rôle même à la Nouvelle-Zélande, où l’apport du continent australien n’entre que pour un quart dans la population végétale de l’archipel.

Comment ces immigrations se sont-elles opérées ? Témoignent-elles d’une ancienne union des îles avec le continent le plus rapproché ? Pour l’Angleterre, le fait paraît incontestable ; mais il est douteux quand il s’agit d’autres îles, telles que Madagascar, les Gallapagos, les Falkland, dont les faunes et les flores sont fort différentes des continens qu’elles avoisinent. Les naturalistes qui répugnent à l’idée de ces anciennes unions de continens et d’îles souvent séparés aujourd’hui par des détroits profonds ou par de vastes étendues de mer invoquent les transports des graines de plantes par les oiseaux voyageurs. Cette cause minime se continuant pendant une longue suite de siècles peut produire des résultats considérables, et je crois avoir démontré que la colonisation végétale des Féroe (petit archipel situé entre l’Écosse et l’Islande) s’explique très naturellement par la migration des millions d’oiseaux marins qui nichent dans le nord de l’Europe en été, passent l’hiver dans le midi