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curité publique et de la paix. La polémique n’est pas absente de son rôle, car il a pour contradicteurs ceux qui craignent dans chacun des trois états que leur patrie n’ait des sacrifices à s’imposer, quelque amoindrissement ou quelque abdication à subir pour entrer dans l’union commune. À ces craintes, les scandinavistes répondent par un programme intelligent et sincère : « alliance des trois royaumes de manière à former une puissance unitaire envers l’étranger, chaque royaume conservant indépendantes sa constitution et son administration intérieures. » La Norvège, disent-ils, a-t-elle rien perdu de son autonomie depuis qu’elle est unie à la Suède? N’a-t-elle pas au contraire exercé sur la Suède, plus puissante qu’elle, le naturel ascendant que lui donnent sa constitution et ses mœurs? N’est-ce pas entraînée par son exemple et pour s’élever au niveau de son ferme esprit libéral que la Suède renonça, il y a quelques années, au partage suranné de la nation en quatre ordres, et y substitua le système des deux chambres, comme dans la plupart des états modernes? De même, en quoi et pour qui serait dangereuse l’accession du Danemark? La Suède a prouvé qu’elle ne redoutait pas le progrès et qu’elle saurait l’aborder toute seule. Ce n’est pas le Danemark à son tour qui aurait à craindre, avec sa constitution démocratique, avec sa vive énergie, quelque diminution de sa dignité ou de son indépendance en entrant dans l’union projetée. Sans s’émouvoir des objections ni des critiques, et pour démontrer d’ailleurs qu’ils entendaient proposer autre chose que de vaines théories, les scandinavistes ont publié, disions-nous, des plans de constitution fédérale dans lesquels ils s’efforçaient de résoudre les difficultés de l’exécution. Ils prétendaient ainsi pousser leur démonstration jusqu’aux dernières limites, jusqu’à l’entière évidence. Ils avaient aussi l’espoir d’être utiles à leur cause en accumulant les matériaux avec lesquels, au moment favorable ou nécessaire, il deviendrait possible de construire l’édifice. En présence de telles publications, leurs adversaires persistans eurent beau jeu à leur dire : « Chimères que tout cela! rêveries d’érudits et de publicistes! » jusqu’au jour où, pendant l’année 1864, au milieu de la guerre entre le Danemark et l’Allemagne, l’opinion publique se préoccupa dans tout le nord d’un projet absolument semblable venant d’une source telle et si haute qu’il était impossible de refuser à un pareil acte ni au mouvement qui l’avait inspiré un caractère très notable et très nouveau. Voyons comment, sous la pression de l’opinion publique et sous celle des événemens, le scandinavisme avait fait de remarquables progrès, et comment de la sphère toute littéraire et morale, de la sphère des idées et des sentimens, il était passé dans le domaine décidément politique et pratique.

Il n’est pas nécessaire, pour rechercher les origines du scandina-