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qualité de ministre de l’intérieur, et le confident de Charles XV lui écrivait le 16 mai :


« Sa majesté voit dans votre arrivée au ministère une garantie de la fermeté avec laquelle M. Monrad veut adopter le programme scandinave, et de la réalisation prochaine de ce programme pour le bonheur et la sûreté des trois peuples du nord. Il y a déjà neuf jours que sa majesté a expédié sa réponse à la lettre de M. Monrad, et jusqu’ici aucune communication ne lui est parvenue à ce sujet. Sa majesté s’inquiète vivement d’un retard grâce auquel les adversaires de ce projet, ceux d’une intervention armée de la Suède au sujet du Slesvig septentrional et central, peuvent préparer leur résistance, tant au sein du conseil suédois qu’au dehors. L’affaire une fois entamée entre les deux gouvernemens, le danger à cet égard sera naturellement moindre. Sa majesté croit pouvoir poser en fait que le baron de Geer, vrai chef du ministère, est favorable à l’union. Il s’est du moins exprimé dans ce sens. Si cet homme d’état s’engage une fois dans cette cause, on peut être assuré qu’il y restera consciencieusement fidèle, étant homme de beaucoup de suite dans les vues et de fermeté pour l’action. »


Est-ce l’arrivée de la lettre du 13 mai, est-ce le refus de M. de Manderström, est-ce une intervention du prince Oscar, frère du roi, qui a tout à coup refroidi ce zèle à Stockholm ou qui en a suspendu les effets? Nous ne le savons pas, et on ne le sait pas généralement dans le nord, où toute cette question, disions-nous, est encore à cette heure assez peu connue. En tout cas, la correspondance et les pourparlers en restèrent là : il ne paraît pas qu’on y soit revenu depuis lors, et cet échec des idées unionistes a remis en souvenir l’échec précédent, celui de la fin de 1863. Que penser de ce second et singulier épisode? Beaucoup de bons esprits ont estimé que la proposition du roi de Suède, introduite d’une façon un peu anormale, ne serait devenue sérieuse qu’à partir du jour où l’on aurait vu le prince Oscar, futur héritier de la couronne suédo-norvégienne, et le cabinet de Stockholm s’associer officiellement et publiquement à cette pensée. Ces velléités de gouvernement personnel en face de peuples qui ont pris à la lettre la sincère pratique du régime constitutionnel n’étaient peut-être pas de nature à inspirer la confiance qu’en vue d’une future union mériterait cependant la pensée du roi de Suède. Qu’importait donc la forme? Pourquoi fournir si promptement un prétexte ou un motif de rompre des préliminaires engagés? Le cabinet de Copenhague n’avait rien à perdre, et il avait tout à gagner. La condition relative à l’exclusion des élémens germaniques était des plus sages; elle était conforme aux plus pressans intérêts du Danemark et du nord.