Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/748

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
742
REVUE DES DEUX MONDES.


qu’aucun établissement d’instruction ne pourrait être fondé qu’avec son autorisation. En vertu de ce décret, plusieurs établissemens tenus par le clergé furent fermés. De vives réclamations s’élevèrent au sein des états-généraux contre cette mesure de rigueur. On se récria au nom de l’autorité paternelle, au nom de la liberté religieuse, et pour la première fois on invoqua le principe de la liberté de l’enseignement, qui n’avait encore été inscrit dans aucune constitution, pas même dans la déclaration des droits de l’homme. On accusa le gouvernement, qui était protestant, de faire de la propagande calviniste, et l’on réclama pour les catholiques le droit d’établir des écoles à côté de celles de l’état et d’envoyer leurs enfans prendre leurs grades auprès des universités étrangères. On ne songeait pas encore à se soustraire aux conditions exigées de ceux qui se destinent aux fonctions publiques, à la médecine ou au barreau, et l’on reconnaissait sans hésitation à l’état seul, représenté par ses universités, le droit de délivrer les grades, à l’exclusion des établissemens libres qui pourraient se fonder.

Ces exigences semblèrent modestes ; entendue ainsi, la liberté de l’enseignement parut acceptable au gouvernement, qui dès 1829 présenta aux chambres un projet de loi donnant satisfaction à des vœux si légitimes ; mais le parti catholique ne tarda pas à formuler des prétentions plus élevées. Il se plaignit des garanties que l’état avait cru devoir conserver, déclarant que dans la main d’un gouvernement protestant elles rendaient illusoire la liberté qu’on lui avait accordée. La presse, la tribune, la chaire, retentirent de ces plaintes ; un grand courant d’opinion se produisit en faveur de la liberté sans garanties préalables, et quand la révolution de 1830 éclata, la constitution fut rédigée sous l’empire de ces idées. Ce fut pour le parti catholique une seconde victoire. Comme il n’est pas dans la nature de ce parti de s’arrêter à moitié chemin, à peine avait-il obtenu le droit d’enseigner sans être soumis à aucune condition de capacité ni de moralité, qu’il demanda, comme conséquence du principe de la liberté d’enseignement, la création d’un jury indépendant des universités de l’état. Le législateur de 1835, docile à ces suggestions, trouva qu’il existe une corrélation étroite entre ces deux choses si différentes, la liberté de l’enseignement et la collation des grades ; il institua un jury central, siégeant à Bruxelles, composé de sept membres et nommé par les trois branches du pouvoir législatif. Ce mode de nomination n’était que temporaire ; c’était dans la pensée du législateur un essai qui ne devait durer que trois ans, et il fallut, à partir de l’année 1839, que des lois successives intervinssent pour proroger les dispositions de la loi de 1835. Cet état provisoire se prolongea jusqu’en 1849. À cette