Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/759

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
753
LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.


bliques : pour avoir voulu trop restreindre, elles ont été parfaitement impuissantes à rien empêcher. Il en serait ainsi de notre loi sur la liberté de l’enseignement supérieur, si, en même temps qu’elle reconnaîtrait aux particuliers le droit d’enseigner, elle mettait des conditions à l’exercice de ce droit. Il vaudrait mieux que tout citoyen fût libre d’ouvrir une école supérieure, sans avoir d’autres formalités à remplir qu’une déclaration préalable, — que toute association appartenant à n’importe quelle opinion philosophique ou religieuse pût fonder une faculté et même une université, sans avoir à prouver la capacité de ses membres. Entre cet enseignement libre et l’enseignement des facultés de l’état, le public aurait cà choisir. Il s’établirait ainsi une émulation féconde qui ne serait peut-être pas sans rendre à nos facultés de province un peu de mouvement et de vie.

En ce qui concerne le second point, le législateur de 1850 a consacré les véritables principes : il a maintenu la délivrance des grades à l’état. C’est un jury nommé par l’état qui délivre le brevet de capacité, ce sont les professeurs de nos facultés qui font passer les examens du baccalauréat ès-lettres et du baccalauréat ès-sciences ; mais si le principe établi en 1850 est le seul fondement solide sur lequel puisse reposer tout l’enseignement supérieur, il soulève, dans le mode d’application qui en a été fait, de légitimes critiques. On lui reproche de ne pas laisser la balance égale entre l’enseignement universitaire et l’enseignement libre ; on objecte qu’il n’offre pas à ce dernier les garanties qu’il est en droit d’exiger. Enfin, car on doit tout prévoir, même la calomnie, il peut laisser planer de regrettables soupçons sur l’impartialité des juges. Je sais que nos facultés sont assez haut placées dans l’estime publique pour dédaigner de telles insinuations ; cependant elles auraient tout intérêt à ne pouvoir être mises en suspicion. Comment éviter ce danger sans tomber dans les inconvéniens des jurys belges ? Un seul moyen se présente : au lieu de désigner, pour conférer les grades, les professeurs de facultés à l’exclusion de toutes autres personnes, l’état constituerait pour chaque examen une commission composée de membres choisis en dehors de l’enseignement libre, ou de l’enseignement universitaire, mais d’une capacité et d’un mérite éprouvés. Il créerait une nouvelle fonction, la fonction d’examinateur, qui deviendrait la récompense et comme le prix des services rendus aux lettres ou aux sciences par des hommes étrangers aux rivalités qui pourraient se produire entre l’enseignement universitaire et l’enseignement libre. Les jurys ainsi constitués échapperaient cà tout reproche de partialité, aussi bien que, par leur composition, ils contribueraient à maintenir le niveau des examens. Déjà ce sys-