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de recommencer son œuvre ; or, à peine ce châtiment a-t-il reçu son exécution, que le péché reprend son empire. L’homme est de nature si fragile qu’il pèche par ignorance lorsqu’il ne pèche pas par perversité, et c’est là ce que nous enseigne la lourde ivresse de Noé bestialement étendu à terre. Le cours des iniquités humaines recommence, et c’est en vain que Dieu, qui a renoncé à toute vengeance universelle, fera tomber sa colère sur tel ou tel point de la terre. L’homme est donc par lui-même incapable d’échapper au péché : de là la nécessité du rédempteur.

C’est ce rédempteur qu’appellent, cherchent, désirent et prédisent les prophètes et les sibylles rangés tout autour de la voûte. Ici la pensée de Michel-Ange ne peut plus être suivie, si l’on ne porte pas attention à la disposition des scènes et à la distribution des personnages ; il nous faut donc avant tout dresser l’ordre exact de cette succession de colosses et des scènes qui les accompagnent. Aux deux extrémités de la voûte apparaissent deux figures plus gigantesques encore que toutes les autres ; immédiatement au-dessus de l’autel papal, Jonas ouvre le cortège, que ferme Zacharie à l’autre extrémité. Aux côtés des deux prophètes se déroulent quatre scènes de l’Ancien-Testament : aux côtés de Jonas, le Serpent d’airain et la Punition d’Aman ; aux côtés de Zacharie, la Mort d’Holopherne et la Mort de Goliath, scènes fort significatives et dont les sujets révèlent une bonne partie du sens, peu compliqué, mais très complexe de la Sixtine. Dix autres prophètes et sibylles, cinq à droite et cinq à gauche, se succèdent tout le long des deux murailles entre Jonas et Zacharie. Ces personnages sont placés dans l’ordre suivant : d’un côté la Libyque, Daniel, la Cuméenne, Isaïe, la Delphique ; de l’autre, Jérémie, la Persique, Ézéchiel, l’Érythréenne, Joël. Il nous reste à mentionner une disposition de la plus extrême importance. Au-dessus des arcs des fenêtres percées dans la muraille de gauche, et à la hauteur correspondante sur la muraille de droite, des fresques de petite dimension, renfermées dans des encadremens qui rappellent la forme des bonnets d’évêques, séparent chaque couple de personnages. Ceux qui n’ont pas eu le bonheur de voir la Sixtine doivent surtout s’arrêter à deux points dans cette disposition générale, les deux prophètes qui ouvrent et ferment la voûte, et les fresques qui séparent les autres personnages : là est la clé de l’œuvre.

Ces fresques comprises dans les bonnets d’évêques séparent les colosses d’une façon pour ainsi dire humble, par en bas, à la manière de bas-reliefs qui sépareraient des statues en partant de leur base. Elles représentent des scènes familières tantôt à deux, le plus souvent à trois personnages, toujours les mêmes : un enfant, une mère, un père. Le père manque quelquefois, jamais la mère ni l’enfant,