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cette fontaine, Thadée Landini en sculpta les figures; mais l’origine lointaine de cette œuvre peut sans témérité être attribuée aux décorations de la Sixtine.

J’ai peu à faire maintenant pour achever l’explication des fresques de Michel-Ange. D’un mot, ces peintures peuvent se résumer ainsi : la foi dont les mystères se célèbrent dans cette chapelle remonte à l’origine même du monde, et ces peintures représentent la longue attente et la douloureuse espérance dans lesquelles vécurent les innombrables générations des hommes avant la venus du rédempteur. Enfin il a paru, et c’est lui qui remplit de son esprit cette enceinte. Il ne figure pas ici lui-même avec l’humilité de sa condition terrestre, les souffrances de sa passion et l’horreur de sa mort. C’est un roi, c’est un dieu qui fut promis aux hommes dès les premiers jours du monde, et c’est d’un roi et d’un dieu que l’on se souvient seulement dans ce palais. Il ne reste rien de l’homme qui traversa la terre, le maître de l’éternité apparaît seul ici. Il fut dans le passé par les prophéties, ces peintures le racontent; il est dans le présent, cet autel le proclame, et si vous voulez savoir ce qu’il sera dans l’avenir, jetez les yeux sur l’immense fresque qui remplit toute la muraille en face de vous. Le voici qui apparaît encore, mais cette fois c’est pour clore le temps. Les prophètes et les sibylles nous disaient qu’il fut l’alpha de l’Écriture, le Jugement dernier nous dît qu’il en sera l’oméga.

De toutes les œuvres de Michel-Ange, le Jugement dernier est la plus connue et la plus populaire. Quelques bonnes copies et des centaines de descriptions laborieuses ont rendu cette composition familière à tous les esprits. C’est peut-être ce que Michel-Ange a fait de plus accessible, de plus aisément pénétrable ; mais il s’en faut cependant de beaucoup que cette muraille ait la portée de la voûte. C’est encore, de toutes les œuvres du maître, celle qui accuse le plus franchement ses défauts admirables; aussi est-elle celle qui a le plus vivement sollicité l’émulation de ce troupeau d’imitateurs que le grand artiste redoutait tant pour sa gloire. Que de décorations de plafonds et de voûtes ont leur origine dans cette vaste page! Je vois encore l’immense verrière du portail de Sainte-Gudule, à Bruxelles, où Franz Floris, Flamand admirateur de Michel-Ange, a représenté le jugement dernier, ainsi que les grimaçantes compositions dont il a rempli les musées des Flandres. L’esprit de ce pauvre Franz Floris s’enchevêtra si bien dans ce dédale d’épisodes terribles et dans cette foule de figures énergiques qu’il n’en put jamais sortir. Aussi, quand on regarde ses ouvrages, pense-t-on involontairement à ce mot dit par notre peintre Boucher à un de ses jeunes élèves partant pour l’Italie : « Surtout gardez--