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ment. Le cabinet du 2 janvier, nous le craignons fort, est arrivé au plébiscite sans le savoir, par une pente naturelle, par une sorte de conséquence forcée du système qu’il a suivi. Il a voulu trop faire à la fois, il a remué trop de choses, il s’est trop complu dans les illusions faciles d’un pouvoir que sa mission libérale rendait populaire. Le ministère a résolu le problème de tenir tête courageusement à de véritables difficultés, de gagner une multitude de batailles parlementaires, sans affermir sensiblement sa position, sans se créer un terrain ferme et solide. Il a eu certainement de brillantes journées, il a fait preuve d’une bonne volonté évidente, montré les meilleures intentions ; il n’est pas sûr qu’avec d incontestables instincts libéraux il ait eu vraiment jusqu’ici une politique. Il a cru qu’il agissait quand il nommait des commissions, quand il multipliait devant la chambre les déclarations qui ralliaient un instant de triomphantes majorités. Malheureusement ce n’était pas assez. À quoi lui ont servi les commissions qu’il a nommées ? Il y en avait une qui avait été chargée de préparer un plan d’organisation municipale de la ville de Paris, elle était même parvenue à rédiger un projet où chacun avait mis la main ; puis, quand le vote est venu, le projet a été repoussé, et on s’est remis à l’œuvre avec peu de chances d’arriver à un résultat définitif. La commission de décentralisation, elle aussi, n’est point sans avoir eu quelques malheurs. Elle n’a pas pu s’entendre sur la question de la nomination des maires, ou du moins elle s’est divisée en fractions presque égales, les uns se prononçant pour la nomination des maires par le gouvernement, les autres pour l’élection. Le système de l’élection a triomphé à une voix de majorité, puis la difficulté a été de préciser le mode électoral, et en fin de compte le ministre, qui aurait dû commencer par là, puisque c’était avant tout une question de responsabilité politique, le ministre de l’intérieur, reprenant son initiative, semble décidé aujourd’hui à présenter une loi qui maintiendra provisoirement à l’administration le droit de nommer les maires. La commission de l’enseignement supérieur aura de la chance, si elle arrive à quelque résultat plus précis. Au fond, toutes ces combinaisons ont été des moyens de popularité et de ralliement qui ont eu peut-être un succès momentané, mais qui ne sont pas d’une efficacité bien durable. La vérité est qu’en cela, comme dans sa politique vis-à-vis du corps législatif, le ministère a procédé par la voie des expédiens. Il a lutté contre les difficultés de sa situation, il a vécu par la parole plus que par l’action, par la séduction plus que par l’autorité. À y regarder de près, c’est là toute sa tactique depuis trois mois. De temps à autre, il est arrivé avec une déclaration libérale faite pour exercer une influence heureuse et pour dissiper momentanément les nuages en tenant tous les partis en haleine. Un jour, c’est la déclaration sur les candidatures officielles ; un autre jour, c’est une déclaration sur l’organisation civile de l’Algérie ; puis est venue la promesse du sénatus-consulte, et c’est