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Macaulay nous apprend qu’en l’année 1685 les juges de paix du comté de Warwick, se conformant à un acte d’Elisabeth, établirent un tarif des salaires et déclarèrent passible d’une peine le maître qui donnerait ou l’ouvrier qui recevrait une paie supérieure. Ce maximum des salaires était pour les laboureurs de 4 shillings par semaine de mars à septembre, et de 3 shillings pendant l’autre moitié de l’année. À la fin du XVIIe siècle, ces tarifs cessèrent d’être appliqués et même d’être édictés. Alors la population ouvrière s’était considérablement augmentée, et elle ne se fit pas faute de recourir aux coalitions pour élever sa rémunération.

NOUS voyons à cette époque les compagnons toiliers de Caen forcer par des menaces les maîtres d’accroître les salaires. À Darnetal, près de Rouen, en 1697, les compagnons drapiers excluent des ateliers quiconque n’est pas de leur société ; ils s’ameutent au nombre de plusieurs milliers parce que les patrons avaient employé des ouvriers étrangers, ils font fermer les fabriques, et malgré l’intervention des autorités de la province ils restent un mois entier sans reprendre leur travail. Vers la même époque, les compagnons maréchaux font des émeutes devant la porte des maîtres pour que leur journée soit mieux payée. Les jurés chapeliers se plaignent que le renvoi d’un ouvrier incapable suffise pour faire mettre l’atelier en interdit par tous les autres ouvriers. À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ces querelles deviennent plus fréquentes et plus dangereuses. À Lyon, en 1744, les ouvriers demandent une augmentation d’un sou par a une et se mettent en grève : pendant huit jours, ils sont maîtres de la ville ; le gouvernement dut envoyer des troupes pour rétablir l’ordre. En 1786, nouvelle émeute des ouvriers lyonnais, qui demandent deux sous par aune, arrêtent tous les métiers et parcourent la ville en bandes menaçantes. L’autorité locale s’alarme et cède ; mais le gouvernement fait occuper militairement les faubourgs de Vaise, de la Croix-Rousse et de la Guillotière.

Au début de la révolution, les coalitions d’ouvriers se multiplient et inquiètent sérieusement l’administration. En 1789, les garçons tailleurs, au nombre de 3,000, se réunissent sur le gazon du Louvre et envoient une députation de 20 membres au comité de la ville pour lui demander de leur garantir en toute saison un salaire de 40 sous par jour. Ce fut bientôt le tour des garçons perruquiers, qui s’assemblèrent aux Champs-Elysées dans un dessein pareil. Un officier de la garde nationale voulut les disperser, il fut désarmé par ses propres soldats. Dans le même temps, les ouvriers cordonniers, au nombre de 5 ou 600, se coalisent, nomment un comité exécutif, et décident d’exclure du royaume quiconque ferait une paire de