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admettent que des états puissans et prospères pourront, avec le temps, se grouper dans les environs d’Omaha, autour du Lac-Salé et à une certaine distance de San-Francisco et de Sacramento ; mais l’immense bassin de l’Amérique du Nord entre la Sierra-Nevada et les montagnes de Wasatch, l’ingrate région des Eaux-Amères, et la majeure partie du plateau qui s’étend depuis les Collines-Noires jusqu’au Missouri, tous ces vastes espaces sont condamnés, selon eux, à une perpétuelle stérilité, — partant à une solitude à peu près complète. Ils prétendent de plus, en thèse générale, qu’une ligne de l’étendue de celle du Pacifique, pour être suffisamment alimentée, doit desservir des districts populeux, et, tout en accordant le degré de richesse et de puissance des lieux de départ et d’arrivée, ils inclinent à croire que la compagnie, après avoir enrichi ses directeurs, finira par tomber en faillite. Quoi qu’il en soit, il est bon de faire observer à ce sujet que les actions de la ligne jouiront, pendant un grand nombre d’années, de la garantie de l’état, et d’après les données sur lesquelles il est permis de discuter la valeur commerciale de cette entreprise, on peut dire que, si en fin de compte elle essuie des pertes, le pays en supportera au moins la majeure partie. Du reste, les États-Unis sont assez riches pour payer ce qui est utile à la chose publique, et l’utilité du chemin du Pacifique, surtout au point de vue politique et civilisateur, n’est contestée par personne.


X

Nous passâmes vingt-quatre heures à Omaha ; le lundi 17 mai, nous partîmes pour Chicago. Ces deux villes sont à 494 milles (825 kilomètres) l’une de l’autre, distance que l’express franchit en une journée. On rencontre sur ce trajet un grand nombre de stations, dont les principales sont Boone, Cedar-Rapids, Clinton, Fulton, Dixon, Franklin, De Kalb et Geneva. Toutes ces petites villes me semblent en voie de prospérité ; toutes, autant qu’un rapide coup d’œil permet d’en juger, ont un grand air de ressemblance. Ce sont partout les mêmes rues, larges, droites, coupées de places et d’avenues, bordées de spacieuses maisons et d’édifices publics, parmi lesquels les églises et les hôtels tiennent le premier rang. Les stations sont remarquables de bonne tenue. On y est bien traité, à des prix assez raisonnables ; des servantes allemandes ou irlandaises y sont chargées du service. Les endroits les plus intéressans du trajet sont le passage du Missouri, entre Omaha et Council-Bluffs, et celui du Mississipi, entre Clinton et Fulton ; on traverse le