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« Nous avons écrit sous l’impression d’un danger sérieux qui menace tout d’abord l’église catholique et sa situation intérieure ; mais, — et il ne peut en être autrement en présence d’une organisation qui embrasse 180 millions d’hommes, — ce danger prend de plus vastes proportions encore, et, se transformant en un grand problème social, il menace également les associations ecclésiastiques et les nations séparées de l’église catholique.

« Ce danger ne date point d’hier, et n’a point pris naissance avec la convocation du concile. Depuis vingt-quatre ans déjà, le mouvement rétrograde a commencé à se faire sentir dans l’église catholique, et aujourd’hui, comme une marée montante, il cherche, à l’aide d’un concile, à envahir l’église entière et à en absorber toute la force vitale.

« Nous, — et il faut entendre ce pluriel, non dans un sens figuré, mais au pied de la lettre, — nous reconnaissons, en ce qui concerne l’église catholique et sa mission, appartenir à cette opinion que nos adversaires nomment libérale. Nous partageons les vues de ceux qui tiennent une réforme générale et décisive de l’église, ou immédiate ou différée, pour aussi nécessaire qu’inévitable.

« Pour nous, l’église catholique ne s’identifie nullement avec le papisme : d’où il suit que, malgré la communauté ecclésiastique extérieure, nous sommes au fond profondément séparés de ceux dont l’idéal ecclésiastique est un empire universel régi par un monarque spirituel et, s’il est possible, temporel, — un empire de contrainte et d’oppression, dans lequel le pouvoir séculier prête son bras aux dépositaires de la puissance ecclésiastique pour réprimer et étouffer tout mouvement désapprouvé par elle.

« Nous ne nous dissimulons pas que plus d’une voix reprochera aux auteurs de ce livre de nier la papauté jusque dans ses fondemens. Le nombre est grand, en effet, de ceux pour qui ce mot biblique n’a plus de sens : meliora sunt vulnera diligentis, quam fraudulenta oscula odientis. Ceux-là se refuseront à comprendre qu’on puisse aimer et honorer une institution en même temps qu’on en dévoile les imperfections, qu’on en dénonce les vices, et qu’on en signale de propos délibéré l’action pernicieuse. Dans leur opinion, on devrait taire avec soin des choses de cette nature, ou tout au moins ne les mentionner qu’en les excusant. Il y a longtemps qu’on a inventé pour ce déni de devoir l’expression de pièté

« Nous estimons au contraire que notre piété se doit avant tout à l’institution divine de l’église et à la vérité, et c’est précisément cette piété-là qui nous incite à nous élever franchement et sans détours contre toute transformation et altération de l’une ou de l’autre… Qu’il nous soit permis d’invoquer, comme preuve qu’ici nous n’agissons que dans l’esprit de l’église, deux sentences, dont l’une émane d’un pape et