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Seine-et-Oise, la Somme, l’Oise, Eure-et-Loir, de 27, pour la Marne de 29, pour l’Aube de 30, pour la Seine-Inférieure de 37. Paris enfin, non plus déchargé de la mortalité des jeunes enfans qu’il envoie mourir en nourrice, mais conservant la responsabilité de ses morts, est plus malheureux encore, puisqu’il perd 39 enfans sur 100. Ajoutons toutefois que ce chiffre élevé tient surtout au grand nombre de nouveau-nés, la plupart enfans naturels, qui succombent dans les hôpitaux et dans les hospices d’accouchement.

Le doute n’existe plus, c’est à l’industrie nourricière qu’il faut attribuer ces morts si nombreuses que l’on ne constate guère que là où elle s’exerce. Nous sommes en présence du véritable problème à résoudre, nous constatons le mal, nous en voyons les causes, et nous en apprécierons toute l’étendue en recherchant, sur un certain nombre d’enfans envoyés en nourrice, combien succombent, combien revoient, en bonne ou mauvaise santé, mais vivans, le foyer maternel, et nous observerons qua dans certains départemens la mortalité atteint le tiers et parfois la moitié du chiffré total des nourrissons. Toutefois, avant de procéder à cette recherche, il nous faut donner une idée sommaire de la manière dont s’exerce en France, surtout autour de Paris, l’industrie des nourrices.


II

La mère qui ne veut pas nourrir elle-même son enfant, et qui préfère le confier à une nourrice, peut ou appeler la nourrice auprès d’elle dans sa propre demeure, ou envoyer son enfant à la campagne. Le premier mode offre assez souvent des avantages même sur l’allaitement par la mère. L’enfant, sans cesser d’être soumis à la surveillance et à la sollicitude maternelles, trouve dans une bonne et abondante lactation, auprès d’une femme jeune, robuste et d’une excellente santé, des ressources nutritives qu’il ne trouverait pas toujours chez une mère moins vigoureuse et souvent affaiblie par les fatigues d’une grossesse que supportent moins facilement les jeunes femmes du monde. La mortalité des enfans confiés à des nourrices sur lieu ne paraît pas devoir différer beaucoup de celle des enfans nourris par leur mère ; aussi n’aurons-nous pas à nous en occuper.

Malheureusement une nourrice sur lieu suppose un logement assez vaste, des ressources pécuniaires notables, car à un salaire toujours élevé s’ajoutent des frais de table et d’entretien que les exigences de ces femmes sont loin de maintenir dans les limites du nécessaire. Envoyer l’enfant à la campagne, le confier aux soins d’une nourrice que le plus souvent on ne connaît pas, ne le voir qu’à de longs intervalles, et ne le rappeler auprès de soi qu’après