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dix-huit mois ou deux ans, tel est le sacrifice qui semble imposé à beaucoup de familles parisiennes par l’exiguïté de leur habitation et la modicité de leurs ressources. On se décide d’autant plus facilement à cette séparation, qu’elle est en quelque sorte une habitude contractée à Paris depuis plusieurs siècles. Le 13 juin 1350, le roi Jean publiait une ordonnance réglementant l’industrie nourricière, exercée déjà par des femmes appelées recommandaresses, faisant métier de procurer des nourrices et des servantes. « Chambrières qui servent aux bourgeois de Paris et autres quelconques prendront et gaigneront trente sols l’an, le plus fort et non plus,… et nourrices cinquante sols et non plus, et si elles sont en service, ne le pourront laisser jusqu’à la fin de leur terme.

« Nourrices nourrissant enfans hors de la maison du père et de la mère des enfans gaigneront et prendront cent sols l’an et non plus, et celles qui jà sont allouées deviendront audit prix et seront contraintes faire leur temps, et qui fera le contraire il sera à soixante sols d’amende, tant le donneur que le preneur.

« Les recommandaresses qui ont accoutumé à louer chambrières et nourrices auront pour commander ou louer une chambrière dix-huit deniers tant seulement, et d’une nourrice deux sols, tant d’une partie comme d’autre, Et ne pourront ni louer ni commander qu’une fois l’an, et qui plus en donnera et en prendra il l’amendera de dix sols, et la recommanderesse qui deux fois en un an louera chambrière ou nourrice sera punie par prise de corps au pillory. »

A côté de la recommandaresse, il y a le meneur, sorte de raccoleur parcourant les villages pour y recruter des nourrices, les amenant à Paris et les. ramenant à la campagne avec les nourrissons qu’elles se sont procurés dans le bureau de placement tenu par la recommandaresse. Un arrêt du parlement rendu en 1611 fait supposer que le monopole créé au profit des recommandaresses était menacé par une concurrence illicite. Cet arrêt condamne « à 50 livres d’amende et à la prison pour la première fois les meneurs conduisant les nourrices ailleurs qu’au bureau des recommandaresses, et à une amende les sages-femmes et aubergistes recevant, retirant ou louant des nourrices. » Le monopole est confirmé, ou, s’il n’existait pas, établi par lettres patentes de Louis XIII (4 février 1615) faisant défense à toute autre personne qu’aux recommandaresses de faire venir des nourrices et de leur procurer des nourrissons. D’autres lettres patentes de Louis XIV du 6 décembre 1655, un arrêt du parlement du 29 juillet 1705, ne paraissent pas avoir suffi à empêcher les abus, car le 29 janvier 1715 une ordonnance royale porte de deux à quatre le nombre des recommandaresses. Chacune d’elles doit avoir dans son bureau un registre paraphé par le lieutenant-général de police et contrôlé au moins quatre