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femmes qui sont quelquefois éloignées de 10 à 12 kilomètres du lieu où réside le médecin ? Pour que la surveillance fût efficace, il faudrait qu’elle fût permanente en quelque sorte, ou du moins qu’elle pût être regardée par la nourrice comme toujours imminente ; or, dans la pratique, il est permis de dire que ces visites sont faites à longs intervalles et en outre prévues. La nourrice peut donc commettre bien des fraudes, se laisser aller à bien des négligences préjudiciables à la santé de l’enfant ; aussi une mortalité considérable frappe-t-elle les enfans du grand bureau, comme le prouvent les chiffres suivans que nous devons aux communications obligeantes de M. Husson.

De 1862 à 1866, 10,794 placemens ont eu lieu par l’intermédiaire du grand bureau. Sur ce nombre, un tiers des enfans étaient illégitimes. La mortalité a été sur les enfans légitimes, de la naissance à un an, de 28 pour 100, un peu plus du quart, et sur les enfans illégitimes de 33 pour 100, c’est-à-dire d’un tiers. De 1863 à 1866, 13,139 enfans assistés ont été placés dans 3,087 communes appartenant à 11 départemens et divisés en 25 circonscriptions. La mortalité pour les enfans, de la naissance à un an, a été de 36 pour 100, un peu plus du tiers. Ces chiffres nous montrent dans leur sinistre signification les dangers de l’industrie nourricière, puisque, malgré une surveillance aussi exacte que peut l’exercer une administration, malgré le choix sévère des nourrices tant au point de vue de la moralité qu’au point de vue de la santé, il meurt dans quelques départemens 1 enfant sur 3, tandis que la mortalité générale des nourrissons dans toute la France n’est que de 1 sur 5, et qu’elle descend dans le département de la Creuse à moins de 1 sur 9.

Jusqu’en 1821, l’administration des hospices resta seule à peu près chargée du placement des nourrissons chez les femmes de la campagne ; mais à partir de cette époque il commença de se fonder à Paris quelques établissemens particuliers servant d’intermédiaires entre les nourrices et les familles. En 1828, M. de Belleyme, alors préfet de police, comprit qu’il était indispensable de ne pas laisser sans contrôle une pareille industrie, et une ordonnance rendue le 9 août 1828 fixa les conditions dans lesquelles elle devait s’exercer. L’effet heureux qu’on en espérait ne fut pas obtenu, car le 26 juin 1842 une nouvelle et dernière ordonnance, encore en vigueur aujourd’hui, s’appuie dans ses considérans sur les graves abus pouvant compromettre la vie des enfans, sur les fraudes commises pour cacher le défaut d’aptitude des nourrices, nonobstant les mesures prescrites par l’ordonnance de police du 9 août 1828.

La nouvelle ordonnance, qui n’a guère été plus efficace que l’ancienne, en diffère peu dans les parties essentielles. Elle prescrit pour