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souvent à la fois plusieurs nourrissons, elles mettent dans le plus grand péril la vie des enfans, et c’est chez elles qu’on trouve le maximum de mortalité. Quel est le nombre de placemens faits ainsi sans l’intermédiaire ou le contrôle de la préfecture de police ou de l’administration des hôpitaux ? M. Husson croit pouvoir l’évaluer à 3,000, ce qui, pour ces dernières années, 1865 par exemple, donnerait, avec les 1,974 placemens du grand bureau et les 9,042 des petits bureaux, un total d’environ 14,000 petits Parisiens envoyés en nourrice à la campagne.

Sur ce nombre, combien en survit-il ? Il est impossible aujourd’hui de le dire avec une rigoureuse précision. M. Brochard, qui a le très grand mérite d’avoir le premier signalé la gravité de la question nourricière, avait produit, pour l’arrondissement de Nogent-le-Rotrou, des chiffres qui tendaient à montrer que les petits bureaux présentaient une mortalité de beaucoup supérieure à celle du grand bureau. Une enquête ordonnée par M. le ministre de l’intérieur, le remarquable discours de M. Genteur dans la discussion qui s’éleva au sénat lors du rapport sur la pétition de M. le docteur Brochard, le travail de M. le docteur Du Mesnil, ont montré que les chiffres de cet honorable médecin n’avaient pas toute la rigueur désirable. L’erreur consistait surtout dans une répartition inexacte des enfans d’après la provenance, et l’enquête a démontré que la mortalité si élevée des petits bureaux était due à l’adjonction des enfans placés directement en nourrice par les parens, en dehors de toute intervention administrative. C’est sur cette dernière catégorie d*enfans qu’a dû porter cette effroyable mortalité que M. Broca évalue à 48 pour 100, presque la moitié.

Ce sont là des faits. Ils nous montrent que si la mortalité infantile est dans trente de nos départemens moins élevée que dans presque tous les états de l’Europe, sauf la Belgique et peut-être l’Angleterre, elle est excessive dans quatorze départemens, dans ceux qui entourent Paris, dans ceux enfin où s’exerce l’industrie des nourrices. Si nous n’avons pas de chiffres précis sur la mortalité des nourrissons placés par les petits bureaux ou directement par les parens, nous savons d’une manière certaine que les enfans confiés par l’administration des hôpitaux à des nourrices choisies avec soin et soumises à une certaine surveillance meurent dans la proportion de 1 sur 3. On ne peut donc mettre en doute la part immense que prend l’industrie nourricière dans la mortalité des jeunes enfans, et on en doutera moins encore si l’on examine ce que devient le nourrisson dans la demeure de celle qui doit avoir pour lui les soins et la sollicitude d’une mère.

Élever un nourrisson est pour beaucoup de femmes des départemens qui entourent Paris un métier qu’elles exercent pendant