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ou les fantaisies de nos descendans ? Alors que l’ouverture de la rue de Rambuteau semblait réaliser un progrès dans les dimensions de la voie publique, si, sous le prétexte spécieux de devancer la plus-value que les terrains ont acquise depuis, on avait exproprié une partie de Paris pour ouvrir des rues sur ce modèle, ne trouverait-on pas le plan mesquin et insuffisant aujourd’hui ? A chaque époque ses goûts et ses besoins ! Le grand, le beau, en pareille matière, ne peuvent être déterminés à l’avance, et c’est à chaque génération qu’il appartient de payer elle-même ce qui lui plaît le mieux. Lorsque, pour rétablir la symétrie des lignes, pour créer, avant que les besoins s’en fassent sentir, des quartiers qui peuvent rester inoccupés pendant un quart de siècle, l’on épuise toutes les ressources disponibles et qu’on engage même l’avenir, peut-on s’attendre à l’indulgence de successeurs auxquels incombera la tâche ingrate des économies ?

C’est l’emprunt sous ses formes les plus variées qui a été la principale ressource avec laquelle on a payé tous ces travaux. Avant 1852, les sommes demandées au crédit n’atteignaient pas des chiffres considérables. Le gouvernement de juillet ne contracta que deux emprunts : un de 40 millions en 1832, dont les deux tiers étaient destinés au remboursement de dettes antérieures, et un de 25 millions en 1847, qui n’était pas recouvré lorsque éclata la révolution de février, et qui fut émis avec les modifications nécessaires en 1849. L’emprunt destiné à la construction des halles et au prolongement de la rue de Rivoli, en 1852, ne s’éleva qu’à 50 millions. Sous l’administration de M. Haussmann, les chiffres grossissent, et les dettes s’accumulent dans de bien autres proportions. En 1855, la ville emprunte 60 millions pour solder toutes les dépenses du premier réseau. La loi de 1859, dite des 180 millions, par laquelle au moyen d’une subvention fixe de l’état la ville s’engageait à achever en dix ans le deuxième réseau, autorise un nouvel emprunt de 133 millions. En 1865, pour parer à l’accroissement des dépenses qu’entraîne l’extension des limites de Paris, on emprunte tout d’un coup 270 millions ; enfin, après que le préfet de la Seine eut conclu avec le Crédit foncier le traité de 1867, par lequel il voulait rembourser au moyen d’annuités tous les bons de délégation remis aux entrepreneurs des grands percemens, c’est à l’énorme chiffre de 465 millions 1/2 que le corps législatif porte le dernier emprunt de 1869. Du chef des trois emprunts de 1855, 1860 et 1865, la ville a reçu 463 millions 1/2, et en remboursera 519, sur lesquels 482 sont encore dus. L’emprunt de 1869 n’a été émis que jusqu’à concurrence de 250 millions (plus 10 millions pour les frais de l’opération), la créance du Crédit foncier a été atténuée d’autant ; mais il n’en faut pas moins compter comme dette