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tion à l’état de toute la contribution sur la richesse mobilière, dont une partie revient jusqu’ici aux provinces et aux communes. Moyennant tout cela, et sans parler des économies réalisées sur certaines dépenses, de l’accroissement prévu de certaines recettes, on espère arriver à un équilibre suffisant dans le budget de 1871.

L’équilibre, c’est le mirage de tous les ministres des finances, et M. Sella, tout comme un autre, le fait briller aux yeux des députés italiens. Il s’agit maintenant de savoir si le ministère, dont ce plan financier est le premier acte décisif, trouvera dans le parlement une majorité décidée à sanctionner ses projets et à le suivre dans sa politique générale qui ne diffère point, après tout, sensiblement de celle de ses prédécesseurs. Malheureusement cette chambre italienne est tellement morcelée en partis, en fragmens départis, qu’il est vraiment assez difficile d’y trouver les élémens d’une majorité sérieuse. Le cabinet Ménabréa, celui qui a eu la plus longue vie depuis M. de Cavour, a succombé faute de trouver un appui solide. Le ministère de M. Lanza ne se rattache à aucun groupe d’opinion bien marqué ; il est vu avec méfiance par la droite, par la gauche. Lui aussi, il pourrait se dire le ministère des deux centres ; mais ici ces centres eux-mêmes sont un vrai sable mouvant. Cette pulvérisation de toutes les forces politiques est pour le moment la maladie de l’Italie, et c’est ce qui préoccupe les esprits sensés. Il y a peu de temps, un des Italiens les plus distingués qui a été au pouvoir, M. Scialoja, étudiait ce mal et cherchait le moyen d’arriver à une reconstitution des partis. Un autre ancien ministre, M. Stefano Jacini, qui donnait récemment sa démission de député de Terni, vient de sonder la même plaie dans un travail sur les conditions des affaires publiques en Italie depuis 1866, et quant à lui, c’est l’organisation même de l’Italie qu’il veut réformer. L’étude de M. Jacini est pleine d’observations justes, de traits saisissons. L’auteur voudrait deux choses presque radicales dans l’état actuel : il demande la création d’un haut parlement national, élu par le suffrage universel à deux degrés, s’occupant exclusivement des affaires générales, et la reconstitution de régions administratives avec des assemblées particulières, étendant leur compétence aussi loin que possible dans le domaine des intérêts locaux. La décentralisation, comme on voit, est aussi en faveur au-delà des Alpes, et il est certain qu’elle est tout au moins dans le caractère, dans les traditions du pays. Nous ne savons trop seulement si ces régions que propose M. Jacini, et qui auraient bien de la peine à ne pas se confondre avec les anciennes démarcations, n’auraient point pour résultat d’affaiblir l’unité si récente encore par la résurrection confuse de tous les instincts municipaux et autonomistes.

La formation d’un peuple longtemps divisé reste incessamment livrée à ces mouvemens intimes d’action et de réaction. Elle se précipite ou s’interrompt selon les circonstances, et elle est bien obligée de se com-