Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. de Bismarck un patriote un peu méticuleux ; de ce côté du Rhin, on peut trouver que ses réticences calculées sont suffisamment audacieuses, qu’elles disent tout ce qu’on peut dire. Après cela, la paix n’est point sans doute immédiatement menacée, mais nous sommes avertis, nous savons ce que valent aux yeux du ministre prussien le traité de Prague et la ligne du Mein, et si le chancelier fédéral ne va pas plus loin pour le moment, s’il temporise, c’est qu’il a peut-être des raisons de croire que la France et l’Autriche ne seraient pas aussi impuissantes ou aussi indifférentes que M. Lasker venait de l’assurer dans son discours. C’est du reste un terrible homme que M. de Bismarck, il porte son activité et son originalité en tout, et le lendemain de la discussion sur Bade, à propos du code pénal de la confédération, il a traité la question de l’abolition de la peine de mort en humoriste qui trouve qu’on attache trop d’importance à la mort et à la vie. Malgré tout, le parlement a voté la suppression du dernier supplice ; mais il y a encore le conseil fédéral, et il reste à savoir ce qui l’emportera de la législation prussienne ou de la législation des autres états, tels que la Saxe, chez qui la peine de mort est déjà abolie. L’essentiel est la création de l’unité de législation pénale après l’unité diplomatique, après l’unité militaire, après l’unité commerciale. M. de Bismarck a bien quelque droit de demander qu’on le laisse faire, et au surplus, si on ne lui donne pas le droit, il le prend, il fait l’Allemagne à sa manière.

CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE

Robert le Diable, après avoir dormi deux ans du sommeil de l’empereur Barberousse dans les cryptes de l’Opéra, vient de se réveiller comme sous la baguette d’une fée, et le voilà parti pour d’autres destinées. C’est un spectacle entièrement nouveau ; la distribution des rôles, les costumes, les décors, la mise en scène, on a tout remanié, tout réformé, tout rajeuni ; il n’y a de vieux désormais que la musique. Je dis vieux et non pas vieilli, bien que la restriction ne regarde que l’ensemble, et que, pour certaines parties de l’œuvre, l’un et l’autre se puissent dire. Meyerbeer n’eut jamais pour unique objectif la simple vérité dramatique, son affaire était bien plutôt d’agir directement sur les masses, d’entraîner le public. Gluck, Mozart, Beethoven, ne cherchent que le beau, que le vrai ; l’effet ensuite vient quand il peut, quelquefois même il ne vient pas du tout, et leurs opéras produisent trop souvent sur la foule ce calme et solennel sentiment d’admiration que les oratorios ont le don particulier d’émouvoir. A Weber le premier, il faut attribuer cette tendance directe vers l’effet-, mais la révélation, chez lui encore inconsciente, ne devait trouver que dans Meyerbeer son metteur en œuvre souverain. À ce point de vue, il n’est pas