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rien ne gênait plus son essor, elle semblait encore engourdie, et elle avait grand besoin de réparer le temps perdu. C’est le service qu’allaient lui rendre les articles publiés par le Globe. Un exposé sommaire, philosophique et néanmoins d’une clarté parfaite servit de préambule à ces études. Le but, les divisions, les lois essentielles de l’économie politique considérée sous ses diverses faces, se trouvaient là nettement expliqués, et un tableau rapide déroulait toutes les conséquences que les sociétés modernes ont droit d’attendre de ces doctrines bien comprises et bien appliquées. Tout cela était dit simplement, avec une élévation et une fermeté de vues singulières; puis l’auteur, sortant des généralités, abordait les questions elles-mêmes, et avant tout l’histoire de ces questions. Il rendait amplement justice à la précoce initiative de nos économistes français du XVIIIe siècle, mais renonçait à toute prétention de faire ni de Quesnay ni de ses disciples les fondateurs de la véritable économie politique, ne les considérant que comme d’intelligens et utiles précurseurs, et, d’accord avec nos voisins, n’attribuant l’honneur de la féconde découverte qu’à leur philosophe écossais, à l’auteur de l’Essai sur la richesse des nations. Le nom et les travaux d’Adam Smith n’étant pas inconnus en France grâce à M. J.-B. Say, il n’y avait pas lieu de s’appesantir longtemps sur ces notions premières, déjà classiques en Angleterre et chez nous à peu près acceptées; c’était particulièrement aux travaux plus récens et complètement ignorés de notre public, notamment aux traités de Malthus et de Ricardo, que les efforts du jeune écrivain devaient s’attacher de préférence. Cette partie de sa tâche, de beaucoup la plus difficile, fut celle aussi où les dons de son esprit se révélèrent le mieux, et qui attira le plus l’attention. Rien de plus compliqué, de plus aride et d’une démonstration plus laborieuse que la théorie de Malthus sur le principe de la population, si ce n’est peut-être celle de Ricardo sur le revenu de la terre. Ces deux maîtres ont par ces deux systèmes acquis une illustration scientifique égale à celle d’Adam Smith; mais les problèmes qu’ils se sont proposés étaient d’une nature infiniment moins accessible au commun des lecteurs que ceux qu’avait traités leur illustre devancier. L’analyse et les commentaires qui en furent donnés par le Globe portaient dans ce dédale de statistique tant d’ordre et de clarté que le public ne s’en effraya pas, et même y comprit quelque chose, pendant que les savans et les gens du métier reconnaissaient tout d’une voix chez le commentateur une sorte de supériorité fondée sur la qualité rare et du savoir et de l’esprit. Je me souviens qu’un homme de grande expérience, né avec le génie des questions financières, et, par une contradiction piquante, à la fois peu versé dans la métaphysique des théoriciens économistes et néanmoins grand amateur de toute nouveauté favorable