Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce point aux anciennes coutumes littéraires qu’à prétendre enrayer ce mouvement général des esprits vers les sources d’informations sûres et les traditions de bon aloi.

L’art italien en particulier, — et certes c’était justice, — est devenu de nos jours l’objet d’investigations assez suivies, d’études assez attentives pour s’accréditer pleinement même dans ses phases les moins connues naguère, et pour occuper les souvenirs du public aussi bien que la plume des critiques ou des historiens. On peut maintenant sans apparence de pédantisme, sans crainte de heurter des préjugés ou de ne rencontrer que l’indifférence, parler de Nicolas de Pise ou de Duccio, de Michelozzo ou de Jean de Fiesole, parce que les ouvrages comme les noms de ces vieux maîtres ont cessé d’appartenir à la pure érudition. A-t-on par malheur une admiration médiocre pour ces talens et ces monumens primitifs, ou même un sentiment tout contraire à l’admiration, il n’est plus permis en pareil cas de compter être cru simplement sur parole, et le président De Brosses, qui, sans scandaliser personne, pouvait au XVIIIe siècle appeler tout uniment Giotto « un barbouilleur, » serait tenu aujourd’hui de renoncer à ces procédés sommaires et de donner au moins ses raisons.

Quant aux époques ou aux travaux qui de tout temps ont eu le privilège de représenter par excellence l’art italien, d’en résumer pour ainsi dire la gloire classique et officielle, on a appris à les juger d’autant mieux qu’on s’est rendu un compte plus exact des progrès qui les avaient préparés et de la décadence qui devais les suivre. Depuis que les peintures des quattrocentisti florentins nous ont expliqué les chefs-d’œuvre prochains de Léonard et de Raphaël, depuis que Michel-Ange lui-même ne nous apparaît plus, après la venue de Luca Signorelli, comme un miracle sans prophète, comme un messie de l’art sans précurseur, — ni Léonard, ni Raphaël, ni Michel-Ange n’ont pu pour cela déchoir de leur rang ou démériter de la postérité. Ils n’en gardent pas moins leur autorité souveraine, leur importance incomparable, parce qu’en continuant à quelques égards le passé ils en transforment les traditions et les dégagent de toute équivoque, parce que l’attention qu’ils prêtent à certains exemples ne fait que stimuler en eux les forces secrètes de l’invention, parce qu’enfin et surtout ils agissent avec la toute-puissance du génie là où leurs devanciers s’étaient comportés seulement en hommes de bonne volonté ou de talent. Voilà ce qui ressort pour tout le monde des rapprochemens établis depuis quelques années entre les merveilles du XVIe siècle et les monumens des époques précédentes, voilà aussi d’où nous viennent sur la période finale de l’art italien, sur la valeur relative de l’école bolonaise par exemple,