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mémoire calomniée d’Andrea del Castagno comme dans plusieurs autres occasions encore, vengé la vérité historique et rétabli des faits, jusqu’ici mal connus ou défigurés. Nous le répétons toutefois, son livre tend bien moins à fixer notre attention sur ces faits épisodiques qu’à nous montrer dans l’application générale les principes en vertu desquels l’art italien, malgré ses variations apparentes, agit sans incertitude au fond, sans démenti. D’où vient néanmoins qu’en constatant à très juste titre l’unité des diverses écoles italiennes, M. Mantz semble oublier d’en indiquer, sinon la cause principale, au moins un des élémens caractéristiques? Il omet presque de rappeler l’influence exercée en tout temps sur ces écoles par les souvenirs de l’antiquité : c’est là pourtant un fait considérable et d’autant plus digne de remarque qu’ailleurs les choses se passent tout autrement. Aucune statue grecque ou romaine n’aurait survécu que les van Eyck et Rogier van der Weyden dans les Pays-Bas, Wolgemüt et les siens en Allemagne, les peintres verrière ou les miniaturistes du moyen âge dans notre pays n’en auraient pas moins donné à leurs œuvres les apparences qu’elles ont. En Italie au contraire, la peinture, même dans la période de ses débuts, procède si bien de la tradition antique, que celle-ci, et celle-ci seule, réussit presque à vivifier des formes matériellement invraisemblables. Que l’on jette les yeux, au musée du Louvre, sur la grande Madone peinte par Cimabue : la draperie qui enveloppe cette figure rachète par la noblesse tout antique du style les sauvages incorrections que présentent les autres parties du tableau, — comme les mosaïques exécutées vers la même époque à Rome par Jacopo da Turrita et Gaddo Gaddi reproduisent, à défaut de la nature, quelque chose des majestueux monumens de la statuaire. Giotto lui-même, quelles qu’aient été la puissance de son initiative et l’indépendance de son génie, — Giotto et à son exemple les peintres du XIVe siècle n’ont eu garde de méconnaître dans la pratique de leur art les enseignemens auxquels le sculpteur Nicolas de Pise avait demandé la régénération du sien. Tout en s’efforçant de rendre fidèlement la réalité, tout en introduisant dans leurs tableaux l’expression dramatique et l’imitation de la vie contemporaine, ils n’ont pas laissé, pour ce qui regardait la dignité des lignes, de s’inspirer ailleurs, et l’on peut dire que de ce côté les préoccupations archéologiques leur ont été presque aussi habituelles que les intentions naturalistes elles-mêmes.

Est-il besoin de rappeler la passion de classicisme qui, au temps des premiers Médicis, s’empara des artistes comme des lettrés et le zèle avec lequel les monumens retrouvés de l’art grec furent à cette époque étudiés et reproduits, non-seulement à Florence, mais jus-