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cédés matériels, au même ordre d’art que leurs propres travaux, et ce que leur avaient révélé ces monumens de marbre ou de bronze, c’était avec le bronze ou avec le marbre qu’ils entreprenaient de le mettre en pratique à leur tour. De là l’éclat et la rapidité des progrès accomplis dès la première phase de la réforme, et plus tard l’habileté continue des sculpteurs qui se succèdent depuis la fin de l’école pisane jusqu’au règne de Michel-Ange.

On sait quelle belle part revient à Florence dans le nombre des talens appartenant à cette époque et de combien d’œuvres fortes ou charmantes le XVe siècle a enrichi cette ville privilégiée. Nous-même, en résumant ici l’histoire de la sculpture florentine au temps de la renaissance, nous avons eu l’occasion de rappeler les titres d’une école féconde entre toutes[1] ; mais ce que l’on connaît moins en général, c’est la marche suivie pendant la même période par les écoles rivales, ce sont les mérites personnels, les noms peut-être de certains maîtres bien dignes pourtant d’occuper la postérité et de s’imposer à ses souvenirs ou à sa gratitude. Il semble qu’en ce qui les concerne l’habitude soit prise de s’en tenir à une sorte d’estime indivise. L’ensemble des sculptures, par exemple, qui ornent la chartreuse de Pavie est, de l’aveu de tous, une des plus curieuses merveilles de l’Italie ; quiconque a visité les églises de Saint-François à Rimini, de Saint-Antoine à Padoue, de Saint-Pétrone à Bologne, ne saurait oublier l’impression reçue en face de cette multitude de statues ou de bas-reliefs attestant à la fois l’imagination des artistes qui les ont produits et le goût particulier ou les mœurs de ceux auxquels de pareils ouvrages étaient destinés : combien de gens toutefois seraient en mesure de rattacher ces travaux à des faits historiques ou biographiques aussi certains que peuvent l’être pour la plupart d’entre nous les faits relatifs à la sculpture toscane ? Vasari et dans notre siècle Cicognara nous ont soigneusement informés de tout ce qui intéresse celle-ci ; mais les documens fournis par eux sont loin de suffire quant au reste, et, bien que le second des deux écrivains ait intitulé son livre Histoire de la sculpture, cette histoire, dans les limites où il l’a circonscrite, a plutôt une signification épisodique que le caractère d’un récit général.

Le tableau des variations de l’art aux diverses époques et dans les différentes villes de l’Italie restait donc encore à tracer. Un écrivain américain, M. Charles Perkins, s’est imposé cette tâche difficile, et le complément qu’il vient de donner à son précédent ouvrage sur les Sculpteurs toscans a le double mérite d’introduire la

  1. Voyez, dans la Revue du 1er octobre 1865, la Sculpture florentine avant Michel-Ange.