Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/739

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monte sous des angles de 45 degrés. Il faut d’ailleurs croire que les rameurs ont un instinct particulier pour distinguer la direction du moindre souffle alors que l’air nous paraît absolument calme; lorsqu’ils sont en nombre, on les voit s’élever tous dans le même sens. Les voiliers au contraire sont peu aptes à forcer le vent. Pour atteindre un but au-dessus du vent, le voilier monte en dérivant à un niveau supérieur, puis il plonge contre le vent, la vitesse de la chute l’aidant alors à avancer malgré la résistance de l’air, ou bien il arrive par bordées, en fermant de temps à autre ses ailes pour donner tête baissée dans le vent. Lorsqu’un oiseau de proie rameur entreprend un voilier, ce dernier détale à vau-le-vent pendant que le premier pousse des carrières en sens opposé. S’il réussit à s’élever à un niveau d’où il domine le voilier, il fond sur lui et l’amène à terre, à moins que le voilier, ce qui arrive souvent, n’esquive le coup par un mouvement latéral. Dans ce dernier cas, le rameur déploie brusquement les ailes, qu’il avait serrées pendant la descente, et, s’en servant comme d’un parachute, il glisse sur l’air et remonte à une certaine hauteur d’où il renouvelle sa tentative; c’est ce qu’on appelle une « ressource, » du latin resurgere. On ne saurait admettre avec Huber que dans ces « passades » l’oiseau remonte sans effort au même niveau d’où il était parti, mais il est probable que le travail exigé par ces mouvemens est considérablement diminué par l’élasticité de l’air. Les voiliers saillans, tels que l’autour et l’épervier, se distinguent par la faculté qu’ils ont de s’élever subitement par une espèce de saut; leurs ailes sont plus fortes, leurs muscles plus vigoureux que ceux des autres voiliers ; ils montrent une grande adresse à saisir leur proie.

Les mouvemens que je viens de décrire s’expliquent sans difficulté par les effets du coup d’aile et par la résistance que l’air exerce contre l’oiseau lancé dans une direction donnée. Ce qui se comprend moins, c’est le vol sans battement d’ailes ou vol planant, tel qu’il est décrit par beaucoup d’auteurs, a Les albatros, dit M. de Tessan[1], planent presque continuellement, surtout quand le vent est très fort. Ils sont alors quelquefois plus de cinq minutes et jusqu’à un quart d’heure sans donner de coups d’aile... Habituellement, quand le vent est frais sans être très fort, les battemens d’ailes se succèdent à des intervalles de deux à trois minutes. » Or le poids de l’albatros est de 8 ou 9 kilogrammes, tandis que la surface de ses ailes très longues (1m, 40) n’est que le tiers d’un mètre carré, et la surface de l’animal entier, ailes comprises, à peu près le double. Avec ces données, il est assez difficile de se rendre compte

  1. Voyage autour du monde sur la frégate Vénus, t. V, p. 111.