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qu’elles expriment. De même un expérimentateur exercé lit à livre ouvert les hiéroglyphes d’un tracé fourni par un appareil enregistreur.

La méthode graphique, dont je viens d’expliquer les procédés, a été imaginée pour l’étude des vibrations sonores, mais elle n’a pas tardé à jouer, un grand rôle dans la physiologie expérimentale. Le kymographion de Ludwig, qui devait enregistrer la pression du sang dans les artères, le myographe d’Helmholtz, destiné à l’étude des mouvemens musculaires, les différens sphygmographes qui écrivent les battemens du pouls, les cardiographes qui s’appliquent sur le cœur, les pneumographes qui explorent la respiration, tous ces appareils ingénieux qui permettent d’étendre à la biologie les méthodes rigoureuses de la physique, on peut dire qu’ils ont inauguré une ère nouvelle pour la plus obscure des sciences. M. Marey en a fait une application des plus heureuses à l’étude de la circulation du sang, et c’est grâce à ses efforts que la méthode graphique a commencé à se généraliser parmi les physiologistes français.

Il y a d’ailleurs d’autres procédés qui permettent d’analyser des mouvemens trop rapides pour nos yeux; ils se fondent presque tous sur le principe de la persistance des impressions que reçoit la rétine. On sait que l’œil a la faculté de conserver une image instantanée pendant un vingtième ou même un dixième de seconde; il en résulte que, si un point lumineux mobile met moins d’un dixième de seconde à parcourir son chemin, toute la trajectoire nous paraît illuminée. C’est pour cette raison qu’un charbon ardent que l’on fait tourner en fronde dessine dans l’air un cercle flamboyant. M. Wheatstone a profité de cette remarque pour rendre sensibles à l’œil les oscillations d’une tige élastique; il suffit pour cela de fixer à l’extrémité libre de la tige une perle brillante d’acier poli dont l’œil peut suivre le sillon lumineux lorsque la tige entre en vibration.

Ce sont ces méthodes que M. Marey a mises en œuvre pour étudier le mécanisme du vol. Il a commencé par les insectes, qui étaient plus faciles à manier que les oiseaux. Il fallait d’abord déterminer la fréquence des coups d’aile. On sait qu’elle varie beaucoup d’une espèce à l’autre; l’oreille nous en avertit par la hauteur musicale du bourdonnement. On entend un son aigu pendant le vol de certaines mouches; la note est plus grave pour l’abeille et le bourdon, plus grave encore pour les macroglosses et les sphinx; les autres lépidoptères ont un vol silencieux. Quelques auteurs (Chabrier, Burmeister) attribuent le bourdonnement à l’air qui pénètre dans les trachées et qui en sort; pour eux, ce serait donc une voix véritable, et non pas une conséquence du frémissement des ailes. Un de