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pendant le vol. Un muscle ne peut diminuer de longueur sans se gonfler, ni s’allonger sans s’amincir; il en résulte que les contractions qui produisent les mouvemens des membres peuvent être constatées par l’enflure subite des muscles. Voici comment ce fait bien connu a été mis à profit. Avant de jeter un pigeon en l’air, on lui mettait un petit corset; entre l’étoffe bien tendue et les muscles pectoraux, on glissait une cuvette de cuivre fermée par une membrane de caoutchouc sous laquelle était un ressort à boudin. Cette « ampoule exploratrice » communiquait avec un tube très léger dont l’autre extrémité aboutissait à une ampoule semblable, le récepteur des signaux. Le gonflement des muscles, en comprimant le ressort de l’ampoule exploratrice, chassait l’air par le tube de transmission dans le récepteur; ce dernier s’enflait et mettait en mouvement un levier dont la pointe écrivait sur le cylindre enfumé pendant que le pigeon s’envolait dans la direction de la volière. Les tracés obtenus de cette manière montrent constamment deux ondulations pendant chaque battement; la première, la plus forte des deux, correspond à la contraction du grand pectoral, qui abaisse l’aile; la seconde, moins accentuée, représente la contraction du pectoral moyen, ou élévateur de l’aile. Toutefois, comme les deux muscles se touchent, les deux ondulations ne sont pas nettement séparées, et il resterait quelque incertitude sur le point d’origine de chaque mouvement, si M. Marey n’avait pas eu soin de munir ses télégraphistes volans à la fois de l’ampoule exploratrice et du câble électrique.

Pour bien apprécier la signification de ces tracés, il fallait encore déterminer par des expériences indépendantes la forme des contractions musculaires qui répondent à des résistances données. Or, avant d’aborder le problème du vol, M. Marey avait déjà fait une étude très complète des déformations que les muscles présentent dans les différens cas, suivant le travail qu’on leur impose[1]. Si l’on fait agir l’électricité ou un autre excitant sur le nerf d’un muscle, on provoque une espèce de secousse ou d’onde passagère dont la durée varie beaucoup d’une espèce à l’autre; elle dure une seconde et phis chez la tortue, six ou huit centièmes de seconde chez l’homme, et quatre centièmes de seconde seulement chez l’oiseau, qui devient ainsi capable de mouvemens beaucoup plus brusques. La forme de cette intumescence diffère selon la résistance que le muscle doit vaincre ; le tracé graphique s’élève rapidement quand le muscle est libre, s’aplatit lorsqu’il rencontre un obstacle fixe, s’infléchit d’une certaine façon, si l’obstacle est élastique. Pour mieux se rendre compte de l’influence de ces conditions sur les

  1. Du Mouvement dans les fonctions de la vie, par E.-J. Marey; Paris 1868.