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dredi 13. « Soit, répondit le général de Fleury, ce sera tant pis pour les musulmans. » Le temps presse, et l’armée, au bout de ses forces, ne peut ni prolonger cette lutte acharnée, ni songer à une retraite impossible. Les hommes, exténués, n’ont pas fermé l’œil depuis six nuits ; les chevaux sont morts de misère, après s’être mutuellement rongé la queue et avoir léché les roues des voitures. L’artillerie a dépensé ses munitions, les vivres sont presque épuisés ; il n’y a pas de lendemain possible à un assaut manqué : il faut réussir ou perdre le matériel du siège, l’honneur de l’armée, l’empire de l’Afrique et peut-être le respect du monde.

La grandeur de cette situation électrise les troupes, qui semblent courir à une fête plutôt qu’à un combat meurtrier. Ces sentimens exaltés de dévoûment chevaleresque, cherchant sous l’habit militaire un refuge contre l’impur matérialisme qui les étouffe partout, se font jour à cet instant critique. Tous les corps se disputent l’honneur de monter à cette brèche, derrière laquelle on ne trouve que la victoire ou la mort, et le général Valée, pour concilier les exigences de ces nobles rivalités avec le succès de l’entreprise, forme trois colonnes d’assaut où tous les régimens sont représentés, mais où les plus aguerris sont placés les premiers[1].

Les Constantinois se préparent aussi à cet acte suprême, où l’héroïsme de leur défense doit triompher ou succomber sans appel. La brèche ouverte ne donne ni la tentation de se rendre, ni la pensée

  1. PREMIÈRE COLONNE.

    Lieutenant-colonel de Lamoricière (blessé à l’assaut);
    Commandant le génie, chef de bataillon Vieux (tué à l’assaut);
    Quatre-vingts sapeurs, capitaine Hackett (tué à l’assaut);
    Trois cents zouaves, capitaine Sanzay (tué à l’assaut);
    Deux compagnies d’élite, 2e léger, chef de bataillon de Sérigny (tué à l’assaut).

    DEUXIÈME COLONNE.

    Colonel Combes (tué à l’assaut);
    Commandant le génie, capitaine Potier (tué à l’assaut);
    Quarante sapeurs, capitaine Leblanc (tué à l’assaut);
    Compagnie franche, capitaine Guignard (tué à l’assaut);
    Trois cents hommes du 47e, commandant Leclerc;
    Cent hommes, 3e bataillon d’Afrique;
    Cent hommes, légion étrangère, commandant Bedeau.

    TROISIÈME COLONNE.

    Colonel Corbin;
    Détachement du 17e léger, | commandant Pâté;
    Détachement des tirailleurs d’Afrique,) | commandant Pâté;
    Détachement du 23e de ligne;
    Détachement du 26e de ligne;
    En tout seize cents hommes.