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LES THEORIES
DU
DOCTEUR WÜRTZ


A MON AMI GUSTAVE DORE.


I.

Mon père, ingénieur dans les mines du Harz, habitait un petit village perdu au milieu de la montagne. Après m’avoir conduit aussi loin qu’il le pouvait dans la voie des études classiques, il m’envoya à l’université de Munchausen. C’est là que lui-même avait étudié autrefois. J’avais été recommandé à la famille du libraire-éditeur Beckhaus. Ces braves gens me donnèrent une place à leur table et une jolie petite chambre dans leur grande maison de bois de la rue du Plat-d’Étain. Quelques jours après mon installation, les cours de l’université n’étant pas encore ouverts, j’étais dans la boutique occupé à regarder des gravures; un vieux monsieur entra que Mme Beckhaus accueillit avec de grandes démonstrations d’amitié et de respect. J’écoutai, de mon coin, sa conversation, qui me parut celle d’un digne et excellent homme. Quand il fut parti, je demandai qui il était. Mme Beckhaus me répondit que c’était un des professeurs les plus distingués de l’université de Munchausen, qu’il aimait beaucoup la famille, et que, dans l’intervalle de ses cours, il venait volontiers passer une heure ou deux dans la boutique. Tout en causant au milieu des livres, il les maniait et les feuilletait par une vieille habitude de savant, car c’était un vrai savant, et si bon avec cela! Mme Beckhaus, assez silencieuse de son naturel, ne tarissait pas en éloges sur les mérites de l’excellent docteur Würtz.