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insoluble différend et ménager un accommodement ; il fallut dissoudre cette chambre impossible et en appeler au pays. La dissolution n’ayant point été provoquée par une question de cabinet, le ministère aurait dû garder une stricte neutralité ; quel que fût le résultat du scrutin, il n’aurait point eu de part dans la défaite. Il eut le tort de remanier les circonscriptions électorales, et il paie aujourd’hui cette imprudence. Les patriotes sortirent de la lutte vainqueurs, très échauffés et disposés à pousser jusqu’au bout les conséquences de leur victoire. Dans le remarquable discours que prononça le roi Louis à l’ouverture de la session, il engagea les partis à la conciliation et à la concorde. Les deux chambres lui ont répondu par des adresses qui renferment un vote de méfiance pour le ministère, et le jeune roi en a marqué son déplaisir ; ce vote lui a paru porter atteinte à sa prérogative. Il lui en coûte de se séparer d’un ministre qui a sa confiance ; il sent d’ailleurs qu’une politique prudente est la seule qui convienne à la Bavière dans la situation délicate et troublée de l’Allemagne, qu’une rupture avec la Prusse ou tout éclat fâcheux pourrait avoir d’inquiétantes conséquences, et, bien qu’il lui fût aisé de trouver un ministère à sa convenance dans les rangs des patriotes, qui ont beaucoup d’hommes à lui proposer, il redoute la queue du parti, ses fins secrètes et ses menées occultes.

Il est une réponse à faire aux exagérés qui accusent le prince Hohenlohe de trahir les intérêts bavarois et de livrer la Bavière à la Prusse. Le discours de la couronne reproduit, quant au fond, le programme qu’il n’a cessé de proposer et de défendre, et ce discours a excité à Berlin un vif mécontentement. Toutefois, dans l’intérêt du régime constitutionnel, il est désirable que l’injustice des chambres bavaroises ait gain de cause. Quelque sympathie qu’on ressente pour un homme d’état, on ne saurait lui souhaiter un succès que lui reprocherait sa conscience politique. En définitive la victoire des institutions tourne au profit de tout le monde, et même des vaincus. Le prince Hohenlohe peut se dire que l’opinion publique se ravisera, que tôt ou tard son pays aura besoin de ses services et devra revenir à une politique modérée et libérale, à laquelle on ne peut reprocher que de s’être trop agitée et de représenter la raison sans en avoir tout le sang-froid.


IV

Parler du Wurtemberg, c’est parler de l’un des pays les plus prospères et les plus libres qui soient au monde. C’est parler aussi de l’état qui représente avec le plus d’énergie les deux passions communes à toute l’Allemagne du midi, un attachement égal à la petite et à la grande patrie. Un Prussien a dit du Wurtembergeois