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histoire du christianisme, en ce sens qu’il y a un développement de la vérité divine dans le temps et dans l’espace; mais ni le progrès des temps ni la pensée des hommes n’y sont pour rien. Quand un changement se produit d’une époque à une autre, d’un pays à un autre pays, c’est non point à telle doctrine, à telle institution, à tel esprit, à tel génie des temps, des races et des lieux, qu’il faut l’attribuer, mais uniquement à l’intervention de Dieu lui-même, choisissant tel pays pour théâtre, tel peuple et tels individus pour organes de ses communications, soit qu’il les produise sous la forme de grandes révélations, comme pour la loi de Moïse et la loi du Christ, soit qu’il les dissimule sous la forme d’inspirations personnelles, comme il arrive pour les œuvres des prophètes et des pères de l’église. Si donc on a en vue autre chose que cette intervention dans l’histoire du christianisme, on se laisse surprendre par une fausse analogie avec l’histoire des œuvres humaines proprement dites Alors même qu’il serait vrai que Dieu a choisi tel moment des temps anciens pour une de ses révélations, tel moment des temps modernes pour une autre, les mots de christianisme ancien, moderne, libéral, ne pourraient exprimer qu’une pure coïncidence de l’intervention divine avec les diverses époques historiques, sans présomption aucune d’un rapport de causalité entre le développement de la doctrine et le travail de la pensée humaine.

C’est en partant d’un tout autre principe que les philosophes, dans le sens abstrait du mot, s’accordent avec les théologiens pour affirmer que la science et la philosophie n’ont rien à chercher dans l’histoire des doctrines religieuses. Selon eux, — toute histoire de ce genre se réduisant à une suite de superstitions plus ou moins contraires à la raison et à la conscience des sociétés civilisées, ils ne peuvent s’y intéresser que comme à un chapitre des maladies mentales. Quant aux progrès, aux réformes, aux transformations de la pensée religieuse considérée dans son objet, ils n’y attachent aucune valeur, convaincus que le principe des religions, c’est-à-dire l’hypothèse du surnaturel, étant faux, vicie par cela même tout le reste : d’où il suit que l’esprit humain ne saurait mieux faire que de se dégager le plus complètement possible de cette atmosphère de légendes, de rêves et de fictions qui n’ont rien de commun avec une saine manière de connaître et de penser. Dès lors, à quoi bon nous parler, en pleine lumière du XIXe siècle, de réformer, de transformer, d’affranchir la pensée chrétienne, comme si une religion quelconque pouvait être autre chose qu’une servitude et une illusion de l’esprit?..

Ainsi pensaient les théologiens du XVIIe siècle et les philosophes du XVIIIe. La philosophie et même la théologie de notre siècle ont une autre manière de voir sur les questions religieuses. Sauf de