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origine fut arrêté, au début du XIXe siècle, par un mouvement tout opposé dont le but et le terme devaient être au contraire la complète réintégration de la pensée chrétienne dans la science et la philosophie modernes. L’éclectisme de cette époque s’évertua partout, en Angleterre, en France comme en Allemagne, à montrer, par une ingénieuse méthode d’interprétations et d’explications, que toute science et toute philosophie étaient au moins en germe au fond du christianisme; le tout était de bien entendre les textes. C’est ainsi que la Genèse fut mise d’accord avec la géologie de certains savans anglais, que le symbole de Nicée prit place dans la métaphysique de Schelling et de Hegel, que la dure doctrine de saint Paul elle-même trouva son explication et sa justification dans la philosophie mystique de certaines écoles contemporaines. Le monde savant fut tout étonné d’apprendre qu’il y a une astronomie, une géologie, une histoire chrétiennes, comme il y a une théologie et une morale de ce nom. C’est qu’en effet toutes les sciences prenaient un aspect particulier, au nouveau point de vue où se plaçaient les éclectiques de nos jours. Cette méthode a eu d’abord un grand succès, grâce au génie des hommes et aux dispositions du temps; mais ce succès ne pouvait être qu’éphémère, parce qu’une pareille manière de procéder était contraire au véritable esprit du XIXe siècle, esprit critique s’il en fut. D’ailleurs la méthode n’était pas nouvelle; elle a un nom bien connu dans l’histoire philosophique et religieuse de l’esprit humain. Le néoplatonisme l’avait essayée pour le paganisme avec une ardeur, une persévérance, un éclat, un insuccès définitif, qu’il est inutile de rappeler. Pour un siècle comme le nôtre, si sévère dans ses méthodes, si instruit dans les choses de la nature et de l’histoire, ce genre de spéculations n’était plus de la science, c’était quelque chose qui tenait tantôt du rêve mystique, tantôt du compromis politique, tantôt de l’exégèse alexandrine.

Pur accident que cet éclectisme malgré toutes les apparences de la réalité ! La loi qui gouverne l’histoire moderne du christianisme reprit bientôt son empire ; le progrès d’épuration et de simplification s’accentua de plus en plus; la critique souffla sur ces échafaudages si laborieusement et parfois si artistement construits. La science sérieuse n’entendit plus se prêter à ce qu’il faudrait regarder comme un jeu d’esprit, si ce n’était l’illusion d’une foi libérale qui veut être de son siècle en même temps que de son église. L’esprit de réforme qui travaille aujourd’hui les sociétés chrétiennes ne perd plus son temps et son génie à concilier les contradictions ou à confondre les différences. D’une main ferme et hardie, les docteurs qu’il inspire séparent, dans le christianisme, la morale du dogme, c’est-à-dire, à leur sens, le vrai du réel, l’essentiel de l’accidentel, l’éternel et l’immuable du temporaire et du variable. A l’histoire du