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aux États-Unis et en Angleterre, où plusieurs sectes se disputent l’empire des âmes, serait probablement funeste dans un pays où domine un culte qui s’inspire d’idées radicalement hostiles à la civilisation moderne. En résumé, il y a un grand nombre d’excellentes raisons à invoquer en faveur de la personnification civile des universités libres, et il n’y en a guère qu’une seule à lui opposer; mais celle-ci paraît devoir peser plus que toutes les autres ensemble[1].


III.

Les deux incidens que nous venons de relater ont été vite clos. L’opinion publique s’était aussitôt prononcée très énergiquement pour le maintien des universités de l’état et contre la personnification des universités libres ; mais il est une autre question aussi importante peut-être, plus complexe sans contredit, et à laquelle on n’a pas encore trouvé de solution généralement acceptée : c’est celle des jurys d’examen. Il importe de ne la point négliger, parce que certaines personnes voudraient introduire en France le système belge.

En 1835, au moment où les chambres abordèrent la discussion de la loi qui devait régler l’enseignement supérieur, il existait donc en Belgique deux universités de l’état, celle de Liège et celle de Gand, et deux universités libres, celle de Louvain, fondée par les évêques, celle de Bruxelles, fondée par le parti libéral. Comme l’avait dit un homme d’état qui s’était spécialement occupé de ces questions, M. Nothomb, actuellement ambassadeur à Berlin, «la coexistence de l’enseignement donné aux frais de l’état et des institutions libres soulève un problème tout nouveau, sans précédent dans le droit public, et devant lequel on peut sans déshonneur s’arrêter et même hésiter[2]. » En effet, si, pour exercer en qualité de médecin ou d’avocat, il faut des diplômes, attribuera-t-on le droit de les délivrer aux facultés de l’état, comme sous le régime hollandais et comme en France? C’est le système le plus logique, car les diplômes ne sont qu’une mesure de police préventive, destinée à

  1. En Belgique, la crainte de voir s’établir un précédent en faveur du droit des universités d’acquérir, même indirectement, est poussée très loin, comme le prouve le fait suivant. Le fondateur de l’université de Bruxelles, M. Verhaegen, a légué à la ville de Bruxelles une somme de 100,000 fr. afin que le revenu en soit appliqué à l’université de cette ville. Le legs n’était pas fait à l’université, incapable d’acquérir, mais à la ville, qui est une personne civile. Néanmoins le gouvernement tarde depuis bien des années à le ratifier.
  2. Discussion de la loi sur l’enseignement supérieur, p. 36, Bruxelles 1844.