Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garantir la sécurité des citoyens, et nul ne conteste que toute mesure intéressant la sécurité publique ne soit du ressort exclusif de l’état; mais ce système aurait placé certainement les universités libres dans une position subalterne. Or elles réclamaient tout au moins l’égalité, et comme elles avaient pour elles à la fois et le parti catholique à cause de celle de Louvain, et le parti libéral avancé à cause de celle de Bruxelles, force était de subir leurs conditions. C’est ainsi que les chambres furent amenées à instituer un jury unique pour tous les candidats, n’importe où et comment ils avaient fait leurs études. Il y avait un jury distinct pour chaque grade dans chacune des quatre facultés. Chaque jury était composé de sept membres nommés annuellement, savoir : deux par la chambre des représentans, deux par le sénat et trois par le gouvernement. Ce régime, déclaré provisoire, n’était voté que pour trois ans; mais, malgré de nombreux essais de réforme, il demeura en vigueur jusqu’en 1849, c’est-à-dire pendant quatorze ans.

Le jury central réunissait de grands avantages. Il avait de l’autorité, de la solennité. Il établissait une commune mesure pour apprécier les connaissances acquises par les étudians de tout le pays. Les uns n’avaient pas à subir une épreuve sévère, les autres une épreuve rendue facile par l’indulgence ou la complaisance. Il y avait égalité pour tous. C’est avec raison qu’un ministre, M. de Decker, pouvait dire : « Quoi de plus rassurant sous le rapport de la liberté, et de plus fécond sous le rapport de la science, que l’institution, au nom de la société, de cette haute magistrature de l’intelligence devant laquelle l’enseignement supérieur officiel et l’enseignement supérieur libre viennent faire leurs preuves et s’exercer aux luttes utiles d’une loyale émulation? » Mais le mode de nomination de ce jury central était très mauvais. En appelant l’intervention des chambres, il faisait dépendre les choix des influences politiques. L’intérêt des partis, non l’intérêt de la science, les dictait. C’était pour défendre la liberté de l’enseignement contre les empiétemens de l’état que l’on avait réservé au parlement le droit de désigner quatre membres sur sept; « mais, comme le disait M. Nothomb en 1844, s’il y a un danger, c’est de paraître rattacher la destinée des établissemens libres aux majorités parlementaires et aux scrutins électoraux; c’est de sembler assigner aux représentans des intérêts généraux du pays le mandat spécial et impératif de sauvegarder un établissement réputé à tort menacé. » Un second vice du jury central, c’est que, les mêmes examinateurs étant constamment réélus, il se formait une commission permanente qui tenait en réalité dans ses mains la direction suprême de tout l’enseignement supérieur. Nous montrerons plus loin le mal qui en résultait.