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nieur est libre, on peut la pratiquer sans produire un brevet de capacité; mais il existe des écoles spéciales, annexées aux universités de l’état, qui forment des ingénieurs, et qui, après examen, délivrent des diplômes. Or ces cours spéciaux sont plus fréquentés, ces diplômes plus recherchés par les étrangers que ceux des autres facultés. Ne peut-on pas en conclure qu’il en sera de même pour les cours de droit et de médecine? D’ailleurs le jury professionnel aura évidemment égard à la valeur des diplômes qu’on produira devant lui. Les cours de l’enseignement libre seront, dit-on, insuffisans. Qu’importe, si ceux des facultés de l’état sont bons? Ceux-ci seront d’autant plus suivis, et ce seront eux qui empêcheront le niveau des études supérieures de déchoir. Si les institutions privées donnent trop facilement leurs diplômes, elles auront bientôt lieu de s’en repentir. Ces diplômes, et pour le public et pour le jury professionnel, n’établissant pas une présomption de capacité, seront comme non avenus. Ils n’auront aucune valeur, dès lors on ne les recherchera pas. Pourquoi voit-on en Belgique des Russes, des Polonais, des Espagnols, des Brésiliens, des Roumains, se disputer les diplômes que délivrent les écoles des mines et du génie civil? Parce que ces diplômes, n’étant délivrés qu’après des épreuves sérieuses, constituent pour ceux qui en sont porteurs un titre sérieux à la confiance de leurs concitoyens ou de leurs gouvernemens respectifs. En Allemagne, les universités qui se sont montrées trop indulgentes se sont perdues de réputation. Elles n’attiraient que les incapables, et par suite leurs diplômes étaient devenus comme un brevet d’infériorité. Au lieu d’une bonne, c’était une mauvaise note. Qui donc ferait des efforts pour en obtenir une semblable? Dans la sphère de l’enseignement comme dans toutes les autres, organisez une responsabilité sérieuse et ne craignez rien de la liberté; elle n’aura que de bons effets, pourvu qu’elle soit complète.


V.

Si l’on adopte le système de l’examen professionnel, restera une question délicate à résoudre : comment former le jury à qui sera dévolue l’importante et délicate mission d’ouvrir aux candidats l’entrée des professions privilégiées? On ne peut le composer seulement de professeurs des facultés officielles, car l’enseignement libre pourrait prétendre qu’il est sacrifié. D’ailleurs il n’y faut pas que des professeurs. Puisqu’il s’agit d’apprécier l’aptitude pratique, des magistrats, des médecins pratiquans seraient de très bons juges. On pourrait former une liste assez nombreuse d’hommes compétens désignés par les facultés libres, par les facultés officielles, par les corps scientifiques et par la magistrature, les uns pour l’examen de