Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/937

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
931
LA QUESTION OUVRIÈRE.

selon l’éloignement du lieu de la réunion. Un délégué de la même société envoyé en mission touche, outre son salaire ordinaire et ses frais de voyage, 7 shillings par jour pour « autres dépenses. » Un meeting que tinrent, il y a deux ans, les maçons en briques de Sheffield coûta 27,000 francs à la société, chaque membre ayant reçu 14 francs 33 centimes par jour, plus ses frais de logement et de transport en chemin de fer, sans compter 60 centimes pour rafraîchissemens.

Dans ces corporations, comme dans toutes les associations humaines, les finances jouent un grand rôle. Nous avons déjà indiqué que, pour remplir leurs caisses, l’immense majorité des unions anglaises avaient eu recours à l’appât des secours mutuels ; quelques-unes même vont jusqu’à donner à leurs membres des pensions de retraite. Dans la société des charpentiers fusionnés, chaque affilié doit, outre une entrée de 5 shil. (6 fr. 25), une cotisation hebdomadaire de 1 shil. (1 fr. 25), c’est-à-dire 2 livres sterl. 13 shil. par an (66 fr. 25). Le salaire de ces ouvriers étant habituellement de 30 à 36 shil. par semaine, les versemens qu’ils font à l’union équivalent à une taxe de 8 pence par livre sterling de revenu, ou de 3 pour 100. Le budget de l’union se divise en trois chapitres. L’un est consacré aux secours mutuels, et comprend, entre autres articles, des subventions allant jusqu’à 12 shil. par semaine en cas de maladie, des pensions hebdomadaires de 5, 7 ou 8 shil. aux vieillards, des frais d’enterrement qui s’élèvent jusqu’à 12 livres sterl. (300 fr.) pour tout membre faisant partie de la société depuis plus de six mois. Le second chapitre concerne les affaires dites du métier, c’est-à-dire principalement l’entretien des grèves. Le dernier chapitre renferme les frais généraux. Si l’on considère qu’outre les avantages énoncés l’union promet à ses adhérens des primes pour l’émigration, des indemnités en cas d’accident, des assurances contre la perte de leurs outils, on peut juger qu’une pareille association est un immense bienfait pour ceux qui en font partie ; mais ici encore il faut se mettre en garde contre les séductions des statuts. Quoique jusqu’à présent, dans les années de paix industrielle, les grandes unions aient toujours équilibré leur budget par des excédans considérables, il résulte des recherches d’habiles comptables qu’à la longue, quand leur personnel sera un peu vieilli et qu’elles devront servir des pensions de retraite, elles seront dans l’impossibilité de tenir leurs engagemens. Il en serait ainsi alors même que ces associations emploieraient toutes leurs ressources à un but charitable et renonceraient à les gaspiller en frais de grèves. Or jusqu’ici c’est toujours la grève qui est le but de l’unionisme, c’est en vue de la soutenir qu’on recueille et qu’on amasse des capitaux. Par la perspective des secours mutuels et des