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le nom de Chambre d’art, ce souverain commença une collection d’objets rares et curieux qui, accrue par les soins de ses successeurs, s’est divisée en musées distincts, mais reliés par de nombreux rapports. En première ligne se place naturellement le Musée des antiquités du Nord, commencé dès 1807 par R. Nyerup, mais dont le véritable fondateur est C. J. Thomsen. Pendant un demi-siècle, ce savant, dont le nom est resté populaire en Danemark, lui consacra tout ce qu’il avait d’énergie et d’activité[1] ; admirablement secondé par d’éminens collaborateurs, par l’émulation qu’il avait éveillée dans tous les rangs de la société, il laissa en mourant une œuvre jusqu’à ce jour sans rivale.

Thomsen ne se contentait pas de recueillir, de classer, de décrire les monumens, les objets de toute sorte qui racontaient l’histoire de sa patrie. Il aurait voulu que tout Danois en sût autant que lui. Dans cette pensée, chaque fois que s’ouvrait le musée, il était là devant les vitrines, prêt à expliquer à tout venant la signification de ce qu’elles contenaient. Les femmes, les enfans, les soldats, les paysans, étaient pour lui des auditeurs aussi dignes d’attention que le grand seigneur ou l’érudit. Dans un pays où l’instruction est générale, cet enseignement populaire devait porter ses fruits. Thomsen lui dut plus d’un objet précieux apporté par quelques-uns de ses disciples de passage. Sur ses instances, facilement écoutées, la loi vint en outre à son secours. En Danemark, quiconque découvre un objet antique doit le remettre à l’autorité locale. On reçoit en échange le prix marchand de l’objet, plus une prime en rapport avec l’importance de la trouvaille. Ce contrat, fidèlement exécuté de part et d’autre, a valu au musée des antiquités quelques-unes de ses pièces les plus remarquables[2].

Ainsi accrue par le concours de tous, la collection nationale grandit si rapidement qu’à la mort de Thomsen on reconnut la nécessité de la remanier complètement. Grâce au savoir et à l’activité dévouée du directeur, M. Worsaae, et des inspecteurs, MM. Engelhardt, Herbst et Strunk, secondés par des volontaires, parmi lesquels M. Valdemar Schmidt mérite d’être cité en première ligne, ce travail fut accompli en trois années[3]. Il finissait pour ainsi dire quand nous

  1. De 1815 à 1865.
  2. Un pauvre journalier, défrichant une pièce de terre qu’il avait prise à bail, rencontra sous sa pioche un certain nombre d’anneaux d’or dont il ne soupçonnait pas la valeur. Un voisin lui en offrit environ 200 francs, somme qu’il trouvait certainement très belle; mais, pour obéir à la loi, il porta sa trouvaille à qui de droit et reçut une somme cinq ou six fois plus forte. Des faits de cette nature sont vite connus. Aussi pas un paysan danois n’hésite à présenter aux autorités compétentes les objets qu’il trouve, certain d’en recevoir un juste prix.
  3. 1866-1869.