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humaine. L’homme n’a laissé aucune trace de son existence dans les couches les plus inférieures des marais tourbeux, dans l’argile, dans la tourbe amorphe; il se montre de très bonne heure au milieu des forêts de pins des scovmoses. À ce moment, quoique fixé à demeure, il est exclusivement chasseur et pécheur; il ne fabrique ses ustensiles et ses armes qu’en travaillant la pierre et l’os. Il se couvre sans doute des dépouilles dues à la chasse; il n’a d’autre animal domestique que le chien. Il se nourrit comme le font encore les Esquimaux, broyant les alimens avec toutes ses dents, de manière à user les incisives et les canines en même temps que les molaires, si bien qu’on distingue presque à première vue une mâchoire de cette époque. Quoique placé dans des conditions peu favorables, on le voit d’ailleurs grandir et se développer dans une certaine mesure. Les arts se perfectionnent; la pierre, d’abord grossièrement travaillée, prend sous sa main des formes mieux accusées, puis elle se polit et se taille avec un art remarquable. Il est tel poignard en silex des vitrines de Copenhague, à lame plate et allongée, tranchante des deux côtés, à manche guilloché par petits éclats, que nos plus habiles ouvriers seraient certainement bien en peine de reproduire. En même temps il semble que les populations renoncent au moins en partie aux habitudes du chasseur. Elles se fixent sur les points les plus fertiles du territoire, et M. Worsaae est amené à regarder comme probable qu’avant la fin de l’âge de pierre elles se livraient à l’agriculture et possédaient des troupeaux[1].

Le bronze remplace la pierre à peu près au moment où le chêne prend la place du pin. L’homme de cette époque est évidemment supérieur à son devancier. S’il ne sait pas encore souder les métaux, s’il ne connaît ni le fer ni l’argent, il manie le bronze et l’or avec une habileté réelle. Il coule le premier pour en faire ses armes offensives et défensives, ses outils, ses ustensiles, ses trompettes de guerre. Il coule de même le second pour obtenir des ornemens ou des vases massifs; mais il sait aussi le réduire en lames minces et le repousser au marteau pour décorer ses boucliers, ses casques, ses glaives, ou l’étirer en fils qui se transformaient en bagues et en bracelets. Souvent ces divers objets se font remarquer par leur forme élégante, et portent des ornemens d’un goût très pur, généralement empruntés aux lignes géométriques. L’homme du bronze a d’ailleurs multiplié ses auxiliaires. Il se montre accompagné d’un chien supérieur à celui de l’âge précédent, du mouton, qui lui fournit une laine grossière pour tisser ses vêtemens, du bœuf, de la

  1. The Antiquities of South Jutland or Sleswick. (Archeological Journal of Royal archeological Institute of Great Bretain and Ireland, 1866.)