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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

Est-il bien nécessaire d’insister sur l’utilité de la crâniologie et des autres données ostéologiques dans ces études qui vont chercher notre passé au-delà de l’histoire ? J’espère que non. Je sais bien qu’encore aujourd’hui quelques personnes se demandent jusqu’à quel point on peut se fier aux résultats acquis par des recherches de cette nature, et je leur accorde sans peine que cette science, la dernière venue entre toutes, est par cela même plus sujette à errer. Aussi tout anthropologiste prudent se tiendra-t-il habituellement sur la réserve lorsque les matériaux seront en petit nombre. Pourtant, même dans ce cas, il pourra parfois se prononcer hardiment. Certes on ne court pas grand risque de se tromper en déclarant que l’homme des cavernes belges et celui de Cro-Magnon étaient de races différentes. Je ne crois pas être plus téméraire en admettant la dualité des types du dolmen de Borrebye. Mieux on connaîtra le passé des populations danoises, plus on verra qu’elles ont-été très mélangées dès l’époque de la pierre polie, avant l’apparition du bronze et du fer[1]. Certainement dès ces temps reculés, en Danemark comme dans le reste des terres habitées, l’homme était bien plus voyageur que ne l’admettent quelques savans d’ailleurs d’un grand mérite, mais que n’a pas suffisamment préoccupés la grave question des migrations humaines. Comme l’a fort bien dit M. Worsaae, les races nouvelles venues sur le sol danois n’ont ni exterminé ni expulsé entièrement celles qui les avaient précédées. La population actuelle porte à un haut degré les traces de son origine multiple. Sans être sorti de Copenhague, j’ai pu retrouver vivans quelques-uns des types de l’âge de pierre, même des plus exceptionnels[2].

Que le mélange se soit accompli par voie de conquête, de colonisation ou d’infiltration lente, la fusion s’est opérée, et ces tribus diverses ont grandi ensemble. Sans doute quelques-unes d’entre elles ont apporté à leurs devancières les élémens de ce progrès. Le Danemark a dû avoir ses initiateurs, comme les ont eus nos populations du sud et du centre. Chez toutes, un souffle venu du dehors, grec, romain ou arabe, a éveillé ce génie moderne dont nous admirons les merveilles ; mais les peuples qui nous ont passé le flambeau de la civilisation l’avaient eux-mêmes reçu de mains étrangères, comme nous le transmettrons à des générations à venir et à d’autres régions du globe. Où commence cette merveilleuse chaîne d’actions et de réactions ? Nul ne saurait le dire. Ses origines

  1. Je n’ai pas encore eu le temps de revoir et de discuter les données numériques que j’ai rapportées de Copenhague, mais le résultat général que j’indique ici m’a paru ressortir clairement de l’examen des crânes dont j’ai pris les mesures.
  2. Une femme du peuple, que j’ai pu observer quelques instans, devait être une descendante de la grande race du dolmen de Borrebye.