Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
SIMIDSO SEDJI.

tions à observer que de prendre garde aux enfans qui jouent au milieu de la route ; dans les villes, il faut de plus faire attention aux passans, et se tenir à distance des porteurs de sabres qui y circulent en grand nombre. On évite aussi, sur les grands chemins ou dans les maisons de thé, de se laisser approcher par ces yakounines ou lonines (fonctionnaires et nobles sans emploi), sans s’être assuré au préalable que leurs intentions sont amicales ; on adopte enfin, d’une manière générale, quelques mesures défensives faciles à prendre et auxquelles on s’habitue vite. Les anciens résidens de Yokohama circulent ainsi partout et à toute heure de la journée ou de la nuit sans appréhension sérieuse ou bien fondée ; quant aux nouveau-venus, quelques promenades en société des vétérans de la colonie les mettent en peu de temps au courant des habitudes du pays.

Une des excursions que l’on fait le plus souvent est celle que l’on nomme à Yokohama le tour d’Inosima. Presque tous les voyageurs qui ont visité le Japon ont vu ce charmant îlot qui ne forme pour ainsi dire qu’un seul et vaste temple. Quant aux vieux résidens, la plupart d’entre eux ont visité Inosima tant de fois qu’ils connaissent dans tous leurs détails les villages, les maisons de thé et les beaux sites qui se trouvent sur la longueur de la route.

Inosima est à une distance d’environ 40 kilomètres de Yokohama. On s’y rend en général en passant par Kanasawa, village de pêcheurs, et Kamakoura, ville sacrée, dont le grand temple, dédié au dieu de la guerre, attire des pèlerins de toutes les parties du Japon. Il faut deux heures pour aller à cheval à Kanasawa. La route est charmante ; elle est surtout fréquentée à cause d’un point de vue pris au sommet des collines qui séparent la vallée de Yokohama de celle de Kanasawa, et d’où l’œil embrasse un panorama d’une beauté merveilleuse.

À Kanasawa, il y a une maison de thé tenue par un Japonais très intelligent, qui a servi comme domestique dans une maison étrangère ; il y a si bien étudié les habitudes de ses maîtres qu’il trouve moyen de satisfaire sa nombreuse et exigeante clientèle, composée de tous les membres de la colonie. On déjeune d’ordinaire à Kanasawa, et on se rend ensuite facilement en une heure à Kamakoura. Le chemin est encore très beau ; mais on est obligé de ralentir la marche, car la route est coupée par deux chaînes de collines, par des ruisseaux, par des torrens, sur lesquels on a jeté des ponts qu’aucun étranger n’a jamais vus en bon état.

Il faut une autre heure pour franchir la distance qui sépare Kamakoura d’Inosima. On traverse une plaine sablonneuse, puis on longe les bords de la mer. À mi-chemin s’élève Daïbouts, colossale statue en bronze de 60 pieds de haut, représentant un Bouddha