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des fleurs, l’olivier cher à Minerve, l’oranger qu’Hercule a rapporté du pays des Hespérides, le dattier avec sa couronne balancée par les vents. Les pins se penchent sur la mer, dont l’azur paraît plus vif à travers leurs troncs rouges et leur feuillage dur et foncé. Les roses, mêlées aux vignes et aux lianes, n’ont pas encore été exilées à Pæstum.

Les eaux du golfe sont elles-mêmes plus belles ; non-seulement le contour général du rivage est plus harmonieux parce qu’il est plus découpé et plus vaste, non-seulement il affecte la forme d’un vase-cratère dont les Grecs lui ont donné le nom, mais il n’est pas déformé par ces coulées de lave qui doivent ensevelir les jardins et empâter les rochers. Les promontoires montrent leur calcaire coloré par le soleil, les plages leur sable blond et mêlé de coquillages ; on ne voit point cette cendre noire qui donne au flot qui l’emporte et la rejette un air de deuil ; partout un fond clair, l’eau profonde, et ces poissons dont parle Pline qui se jouent auprès de l’écueil qu’on appelle la pierre d’Hercule et qui s’approchent au premier bruit. Il ne faut oublier ni les barques des pêcheurs, ni les navires tirés sur la plage, ni les voiles couleur de safran, ni les mâts plus altiers des flottes romaines. Ici des bâtimens sur le chantier envahissent la route, comme les modernes le verront sur la rivière de Gênes ; là, sous d’élégans abris, dorment les gondoles peintes et dorées des patriciens de Rome ; partout des temples aux couleurs éclatantes, des colonnes, des statues, des villas perdues dans la verdure. Du côté de la terre, le Vésuve, non pas fumant et plein de menaces, mais cultivé et riant jusqu’au sommet, couvert de vignes, couronné de rochers dentelés qui ressemblent aux créneaux d’une forteresse, et qui ont abrité les soldats de Spartacus. Du côté de la mer, les îles Pithécuse (Ischia) et Prochyta (Procida) montrent à l’horizon leurs masses bleuâtres, tandis que les lignes architecturales et les arêtes si pures de Caprée luttent avec la Grèce ; on dirait une île des Cyclades détachée de la couronne de Délos et transportée en face du Vésuve.

Ce n’est pas sans raison que les poètes ont placé les sirènes dans ces parages, car tout est charme, tout est séduction, tout est fraîcheur dans un pays auquel les dieux ont souri et qu’ont orné les hommes. La nature, modelée par un divin sculpteur, pleine de lumière et de couleurs, encadrée par une mer qui n’a pas abandonné ses limites, garde ses formes primitives, son luxe, une beauté plastique qui sera bientôt altérée par une catastrophe épouvantable.

II.

Parmi les sciences qui ont la nature pour objet, une des plus poétiques certainement est la géologie. C’est elle qui ouvre à l’imagina-