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secours : d’abord le récit des témoins oculaires consigné dans les lettres de Pline le Jeune, ensuite le témoignage muet des victimes, c’est-à-dire la position des squelettes trouvés sous les cendres et les observations suggérées par les fouilles ; mais, pour bien s’expliquer les détails que l’histoire nous a transmis, ou ceux que l’archéologie nous révèle, il faut avoir présens à l’esprit les principaux phénomènes d’une éruption volcanique ; il faut rapporter aux faits généraux constatés par la science les faits particuliers que les descriptions naïves des historiens rendent plus obscurs.

Sans exposer aucune théorie ni empiéter sur le domaine des géologues, rappelons-nous que toute grande éruption suppose deux élémens combinés, l’eau et le feu. Le feu, qui est le feu terrestre, est permanent selon les uns, accidentel selon les autres. Les premiers y voient la matière ignée qui forme le noyau de la terre et que soulèvent à certaines époques des courans souterrains, des marées qu’on n’a pu encore définir ; les seconds croient à de formidables combinaisons chimiques qui, se produisant tout à coup au sein de la terre, élèvent la température de la façon la plus violente, mettent un certain nombre de corps en fusion, les dilatent, et par l’excès de dilatation provoquent une explosion. Dans le premier cas, le volcan est une soupape de dégagement, moyen de communication entre le feu intérieur et l’extérieur du globe ; dans le second cas, le volcan est une cheminée d’appel où les gaz combustibles brûlent au contact de l’air.

L’eau, d’un autre côté, joue un rôle considérable dans les phénomènes volcaniques. On a constaté et Gay-Lussac a proclamé qu’il n’y avait pas de grande éruption sans que l’eau y entrât comme élément essentiel. L’expérience démontre ce thème, en apparence paradoxal. Ce que l’on avait observé au Vésuve en 1794 a été confirmé par les études de M. Fouqué sur l’Etna. M. Fouqué a mesuré les quantités de vapeur d’eau condensée en pluie qui ont accompagné l’éruption de 1865. Il a trouvé pour vingt-quatre heures 22 000 mètres cubes d’eau, c’est-à-dire le volume d’une rivière. Herculanum atteste quelles masses d’eau mêlées aux cendres le Vésuve a dû jeter de ce côté en 79. Le Monte-Cavo, près de Rome, par la formation de ses bancs de pépérin, nous fait voir également quels torrens de pluie contemporains de l’éruption antéhistorique ont dû entraîner les cendres et les pierres carbonisées qui, en se durcissant, ont créé un véritable tuf.

Quand on analyse les matières rejetées par certains volcans, on y remarque des élémens qui ne peuvent provenir que de l’eau de mer, par exemple le chlorure de sodium ou sel commun et l’azote. L’azote surtout, produit par les corps en décomposition, ne peut exister naturellement dans les entrailles de la terre ; il y semble in-