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son commandement sous Titus. Il avait appelé auprès de lui sa sœur Plinia dont le fils, Plinius Cæcilius Secundus, jeune homme de dix-huit ans, prudent, réfléchi, donnait les plus belles espérances.

Il était une heure de l’après-midi, la chaleur de la canicule n’avait rien perdu de sa force. Le préfet de la flotte s’était jeté sur son lit et lisait, lorsque sa sœur vint l’avertir qu’on voyait une nuée d’une grandeur et d’une forme extraordinaires. Pline se chaussa et monta sur un lieu d’où le regard embrassait tout le pays. La nuée s’élançait d’une montagne que l’on ne pouvait distinguer au fond du golfe ; on ne sut que plus tard que c’était le Vésuve. Poussée par un souffle puissant, elle s’élançait, puis s’arrêtait, s’étendait, retombait par son propre poids : on eût dit un pin parasol dont le tronc porte jusqu’au ciel une couronne de branches qui se ramifient de toutes parts. Le nuage paraissait tantôt blanc (c’était la vapeur d’eau), tantôt sale (c’étaient les cendres), tantôt marqué de taches (c’étaient les scories et les pierres ponces).

Pline l’Ancien s’embarque pour aller observer ce prodige ; il propose à son neveu de l’accompagner ; celui-ci refuse, préférant étudier et achever un devoir que lui-même lui a donné. Le jeune homme reste donc à Misène, et le soir venu, sans plus s’émouvoir d’un phénomène lointain, il prend un bain, soupe, se couche. De légères agitations du sol troublent d’abord son sommeil. Bientôt sa mère se précipite dans sa chambre au moment où il se levait lui-même ; la violence des secousses lui faisait croire que la maison allait s’écrouler. Ils vont tous deux s’asseoir dans un espace étroit qui s’étendait entre l’habitation et la mer ; Pline demande un volume de Tite-Live et se remet à en faire des extraits, constance d’âme un peu affectée, mais propre à rassurer la population qui l’entourait. Il était déjà sept heures, et c’était à peine si le jour paraissait, pâle et douteux. Les secousses redoublant de force, il faut s’éloigner des lieux habités, gagner la rase campagne ; une foule éperdue se précipite aussitôt derrière eux.

On s’arrête hors de la ville, et là s’offrent de nouveaux sujets de terreur. Les voitures qu’on avait emmenées ne pouvaient rester en place, même calées par de grosses pierres. La mer semblait se renverser sur elle-même, comme refoulée loin du rivage ; on voyait en effet une quantité de poissons à sec. Du côté de la terre ferme au contraire, une nuée noire, horrible, était traversée par des traits de feu ; on eût dit des éclairs, « mais plus fréquens que ceux d’un orage et prolongeant plus loin des sillons de flamme plus grands. » On sera frappé de la justesse de cette dernière observation, si l’on se souvient de ce que nous avons dit tout à l’heure de l’électricité développée par une éruption et des vapeurs qui l’accompagnent.

Peu à peu, la nue qui planait sur la montagne descendit, couvrit