Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/984

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les diversités des races, et M. Huxley a démontré d’ailleurs que dans l’ouest de l’Irlande il y a plus de sang saxon que dans l’est de l’Angleterre. N’est-il pas certain néanmoins que les hommes ne sont pas tous semblables, que certaines qualités, se transmettant héréditairement, forment des variétés très distinctes ? La plupart des nations européennes n’ont-elles pas un caractère national très marqué ? N’y a-t-il point de races que leurs traits font aussitôt reconnaître, et n’en doit-il pas être des aptitudes psychiques comme des caractères physiques ? Que cela vienne uniquement du sang ou d’autres causes, comme la tradition ou les habitudes, est-il contestable que l’Irlandais, qui a beaucoup d’imagination et d’intelligence, manque souvent de prévoyance, et qu’il est plus avide de plaisirs, moins assidu au travail que l’Anglais ? Un exemple emprunté à l’Irlande nous montrera l’influence qu’exerce la race. Dans les baronnies de Bargy et de Forth, non loin de Wexford, on rencontre de petites fermes aussi admirablement tenues que celles de la Hollande. Les maisons sont parfaitement blanchies, l’intérieur en est d’une propreté exquise. Les vieux meubles reluisent, les armoires sont pleines de linge blanc, les champs sont cultivés comme des jardins. Quelques familles sont très pauvres, mais elles luttent contre la misère, que rien ne trahit extérieurement ; on se croirait transporté en Flandre : en effet, ce district a été peuplé au moyen âge par une colonie de Flamands, et le patois qu’on y parle trahit encore aujourd’hui une origine étrangère. Il ne faut donc point nier l’influence de la race, mais on aurait tort aussi de la considérer comme invincible. Il suffit de bonnes institutions pour tout corriger. Les peuples du midi sont certainement plus insoucians, moins portés au travail que ceux du nord. Dans les régions où, comme en Irlande, on trouve de grandes propriétés aux mains d’une aristocratie absente, en Sicile, en Castille, en Estramadure, le pays est pauvre et mal cultivé. Là au contraire où le petit cultivateur possède la terre ou des garanties suffisantes pour l’avenir, le pays est transformé en jardin : voyez la Toscane, la haute Lombardie et les environs de Valence. L’Irlandais a de si détestables traditions d’incurie, de saleté et de mauvaise culture, qu’il ne se relèverait pas immédiatement de sa dégradation séculaire ; néanmoins partout en Irlande où les propriétaires ont établi de bonnes fermes, les cultivateurs ont travaillé avec constance et ardeur.

Il paraît aussi difficile denier que le culte professé par Là grande majorité des Irlandais n’ait été un obstacle très réel à leurs progrès. Ce culte dans le monde entier s’est montré peu favorable au développement des lumières et de la richesse. Son empire reposant sur l’autorité et sur des pratiques extérieures, l’instruction ne lui est point nécessaire et lui peut nuire. Dans les pays catholiques,