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de la liberté, de la volonté et du hasard, en controverse avec des membres de l’épiscopat : il n’avait jamais épargné dans ses écrits les prétentions et les doctrines ecclésiastiques. Vainement racontait-il en preuve de son orthodoxie épiscopale qu’étant malade à Saint-Germain, près de Paris, il avait été visité par le père Mersenne, qui l’entretint de la puissance que possédait l’église romaine de remettre les péchés. « Mon père, lui avait-il répondu, il y a longtemps, que j’ai discuté tout cela avec moi-même, recommencer en ce moment la discussion serait fatigant ; vous avez des choses plus agréables à me dire. Quand avez-vous vu Gassendi ? » Mersenne s’en alla ; mais peu de jours après John Cosin, qui fut plus tard évêque de Durham, étant venu lui offrir de prier Dieu avec lui : « Oui, lui dit-il en le remerciant, pourvu que vous procédiez aux prières selon le rit de notre église. » Il ne put cependant se défaire de sa réputation d’esprit-fort, et le mot de hobbisme devint même synonyme d’athéisme. Il est certain que Dieu ne tient aucune place nécessaire dans ses écrits. On l’a défendu en lui attribuant la maxime que, touchant la Divinité, croire est plus respectueux que savoir ; mais il a si clairement soutenu que la soumission était due à la religion parce qu’elle était commandée par le pouvoir social, qu’il est difficile de confondre une telle obéissance avec la foi.

Sorbière, qui fit en 1663 un voyage en Angleterre, dont il a laissé une relation assez curieuse, y trouva Hobbes fidèle à toutes ses habitudes, commençant ses journées par l’exercice, les finissant par l’étude, jouant une fois par semaine à la paume jusqu’à épuisement de ses forces, et conservant à soixante-quinze ans sa vigueur, ses facultés de travail et sa gaîté. Des inimitiés diverses, l’avaient confiné dans la retraite. Wallis, après avoir mis en poudre ses prétentions mathématiques, avait comme dit Sorbière, sauté dans sa politique, et voulu le faire passer pour mauvais serviteur du roi. « Le roi, ajoute-t-il, pour le consoler, lui donna une pension de 100 jacobus. Sa majesté me montra son portrait de la main de Coper (sic) dans le cabinet de ses curiosités naturelles et mécaniques, et me demanda si je connaissais cette personne et quelle estime j’en faisais. Je lui dis ce que je devais, et l’on demeura d’accord que, s’il eût été un peu moins dogmatique, il eût été fort nécessaire à l’Académie royale (la Société royale), car il y a peu de gens qui regardent les choses de plus près et qui aient apporté une plus longue application à la physique. Il est en effet un reste de Bacon, sous lequel il a écrit dans sa jeunesse, et par tout ce que je lui en ai ouy dire et que je remarque, dans son style, je vois bien qu’il en a beaucoup retenu. Il a par étude sa manière de tourner les choses, et il donne volontiers dans l’allégorie ; mais il a naturellement beaucoup de sa belle humeur et même de sa bonne mine. Il a fait peur je ne