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sur la révolution d’Angleterre, qui fut sa dernière publication, quoiqu’il l’ait désavouée, n’ayant pas obtenu la permission de l’imprimer « de sa majesté, qui, écrit-il à son libraire, est le premier juge des livres qui doivent paraître, et qui bien mieux que lui sait ce qu’il est à propos de faire. »

Peu après, dans l’automne de 1679, ayant suivi le comte de Devonshire à Hardwick, il fut frappé de paralysie, perdit la parole sans perdre l’intelligence, et s’éteignit le 4 décembre.


II

On aurait déjà une juste idée de la doctrine de Hobbes à la seule lecture de la dédicace de ses Élémens de philosophie au comte de Devonshire. « Cette partie de la philosophie, qui considère les nombres et les lignes (les mathématiques), nous a, dit-il, été transmise par les anciens dans un état assez avancé pour qu’elle soit un modèle de logique. Celle qui traite de la terre et du ciel ne date guère que de Copernic, et la science du mouvement des travaux de Galilée. Celle du corps humain doit le jour au docteur Harvey, le seul homme, à ma connaissance, qui ait, vainqueur de l’envie, établi de son vivant une doctrine nouvelle. Avant lui, il n’y avait rien de certain dans cette partie de la philosophie naturelle, et celle-ci, malgré les progrès qu’elle doit à Kepler, à Gassendi, à Mersenne, est une science bien jeune ; plus jeune encore est la philosophie civile. Ce que les Grecs appelaient philosophie n’était qu’un fantôme trompeur, science pernicieuse dont saint Paul voulait préserver la théologie. Elle ne l’a que trop altérée, en effaçant la distinction qui dort subsister entre les règles de la religion et celles de la philosophie. Les unes sont les prescriptions d’une loi, les autres ne sont que des opinions privées. L’autorité de l’Écriture doit rester séparée de celle de la raison naturelle. » Hobbes s’assure d’avoir, dans son premier ouvrage, ramené le pouvoir ecclésiastique et civil à une seule et même souveraineté. Il lui reste, en jetant une vive et mortelle lumière sur la métaphysique, à poser les vrais fondemens de la philosophie naturelle.

Dans cette manière de concevoir la philosophie se montre tout entier l’élève de Bacon, l’élève ingrat qui oublie son maître. Comme lui, quelques pages plus loin, il voit dans le savoir une puissance ; mais plus hardi ou plus conséquent, surtout moins large et moins élevé, son esprit va se porter à des extrémités que le génie de Bacon aurait repoussées avec dédain, peut-être avec effroi. Deux siècles et demi avant nous, Hobbes a découvert toute la philosophie du positivisme. Une analyse complète et précise de la doctrine de Hobbes serait intéressante ; mais elle devrait suivre dans ses détails